Varsha Manjunatha

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Varsha Manjunatha
MSCPM 2012
Austin & Houston

TERMINAL MANAGER

« Quand je regarde mon parcours depuis que j’ai quitté mon humble communauté au Bangalore, ça ressemble à un petit miracle. » L’incrédulité de Varsha quant à ce qu’elle a accompli est touchante. Mais en l’écoutant revenir sur son passé, il est clair que sa réussite ne tient qu’à elle.

Dans sa famille, elle fait figure de pionnière : aucune femme avant elle n’avait osé rêver de s’aventurer hors de sa ville natale, sans parler d’explorer d’autres continents.

Elle est la première. Aujourd’hui, Varsha travaille à Houston pour un fournisseur de solutions logistiques présent dans près de trente pays. Elle a géré des équipes de 50 personnes, en grande majorité des hommes. Elle est mue par la conviction que l’optimisation de la chaîne d’approvisionnement peut contribuer à améliorer la vie des gens. Varsha considère que c’est son expérience à Audencia, où elle a suivi le programme MSCPM (MSc in Supply Chain and Purchasing Management), qui lui a donné les outils et la confiance pour réussir dans un environnement international. Sa personnalité pétillante, fonceuse et volontaire a certainement aidé.

Nous rencontrons une jeune femme déterminée qui a relevé un défi remarquable. Pour concrétiser ses rêves, elle a fait fi de sa situation familiale et s’est sortie du milieu d’où elle vient, sans jamais renier ses origines. Elle est surprenante !

Parlez-nous un peu de vos origines.

Je suis née et j’ai grandi à Bangalore, une grande ville située dans le sud de l’Inde, où je vivais avec ma famille élargie – mes parents, mon frère qui a sept ans de moins que moi, ma tante, mon oncle et mes grands-parents, tous sous le même toit. Je suis issue d’une famille modeste de la classe moyenne. Je passais le plus clair de mon temps à jouer à la marelle dans la rue avec les autres enfants du quartier. Mes deux parents ont un diplôme universitaire et travaillent dans une banque. Ils nous ont élevés, mon frère et moi, avec l’idée que l’éducation est essentielle, principalement parce qu’un bon diplôme nous offrirait l’accès à la sécurité d’un emploi stable.

Quel genre d’enfant étiez-vous ?

Mes enseignants diraient de moi que j’étais une enfant studieuse et ordinaire qui prenait toujours ses notes méticuleusement et qui posait des questions. J’ai toujours été une personne de besoins plutôt que d’envies. Je suis heureuse de tout ce que j’ai, j’en suis satisfaite et reconnaissante. Par exemple, je n’ai jamais eu une chambre à moi, j’avais simplement l’habitude d’installer un matelas sur le sol pour la nuit et ça me suffisait. J’ai toujours eu de la motivation et aujourd’hui encore, j’ai une solide éthique professionnelle. Cependant, j’étais extravertie et depuis ma plus tendre enfance, ma curiosité me pousse à aller vers les gens pour leur poser toutes sortes de questions.

Que rêvez-vous de devenir quand vous étiez petite ?

J’ai d’abord voulu devenir médecin, puis pilote. À 12 ans, je savais que je voulais être ingénieur. Je pense qu’au fond, mon rêve a toujours été de trouver un moyen d’aider les gens et d’améliorer leur existence en renforçant l’efficacité des processus. Il était également important pour moi de servir de modèle à mon frère : il a fini par suivre ma voie.

Pourquoi avez-vous décidé de partir à l’étranger ?

J’ai toujours été curieuse et ouverte d’esprit et dès le plus jeune âge, j’ai apprécié la beauté de la diversité des cultures et des points de vue. Toute ma vie, j’avais évolué dans les mêmes cercles sociaux restreints, mais quand j’ai vu des gens de mon entourage quitter la ville, j’ai commencé à me demander : pourquoi pas moi ?

Quand j’étais étudiante en ingénierie industrielle, mes cours de conception mécanique étaient enseignés par un Français. Son style d’enseignement pratique contrastait avec les méthodes auxquelles j’étais habituée et j’ai trouvé ça intrigant. Et puis je m’en étais toujours tenue à la même devise : « travailler dur ». Il m’a mise au défi de « travailler intelligemment ». Cet enseignant m’a ouvert à d’autres horizons et c’est ainsi que la « graine internationale » s’est plantée dans mon esprit.

Quand j’ai eu 20 ans, un conseiller de Campus France, une agence qui fait la promotion de l’éducation supérieure en France, m’a convaincue de sauter le pas. J’ai passé un an à mener des recherches et à planifier mon départ en secret et quand j’ai annoncé la nouvelle à mes parents, ç’a été un choc total pour eux. Avant même d’obtenir mon diplôme d’ingénieur, j’avais déjà reçu quelques offres d’emplois bien rémunérés. Alors ils ne comprenaient pas pourquoi je voulais poursuivre mes études, qui plus est à l’étranger. Je viens d’un endroit où les pères considèrent leurs filles comme leurs petites princesses vulnérables. Mon père est resté opposé à ma décision pendant des mois et ce n’est qu’à force de détermination et avec l’appui de ma mère que j’ai pu avancer et sortir de ma zone de confort.

Votre première expérience à l’étranger à Audencia a-t-elle été à la hauteur de vos attentes ?

Quand je suis arrivée à Nantes pour le semestre en France de mon mastère international en gestion de la chaîne d’approvisionnement, mon pays m’a terriblement manqué. Je ne connaissais personne là-bas et j’avais du mal à aligner deux mots de français. Pendant les deux premiers jours, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps et après cela, je me suis acclimatée à mon nouveau mode de vie. La fois suivante où j’ai pleuré, c’est en repartant de Nantes ! En arrivant, j’ai eu du mal à trouver un logement et j’ai fini par séjourner dans une famille d’accueil. J’ai eu la chance incroyable de nouer des liens spéciaux avec eux. Nous sommes devenus si proches qu’ils ont assisté à la cérémonie de remise des diplômes, et même à mon mariage en Inde ! Nous sommes toujours en contact et je peux dire sans peur de me tromper que j’ai une « maman française ».

J’ai adoré mes études à Audencia, en particulier parce que j’ai découvert une toute nouvelle façon d’apprendre et d’interagir avec une multitude de nationalités, chacune avec son propre point de vue sur le monde. C’était très différent de ce que j’avais pu voir en Inde. L’environnement international a surpassé mes attentes.

Pouvez-vous retracer pour nous les principales étapes de votre parcours professionnel ?

Après mon semestre à Audencia, je suis partie à Milan pour le semestre en Italie à la MIP Politecnico di Milano, pour la seconde partie du double diplôme. Ensuite, je suis rentrée en Inde pour un mois… uniquement pour annoncer à mon père que j’envisageais de m’inscrire à un programme de formation en gestion en Belgique ! Je savais que je devais manœuvrer avec précaution et j’ai décidé de procéder étape par étape afin d’amortir le coup. Je lui ai assuré que je signais un contrat de six mois seulement, après quoi je rentrerais à la maison… je lui ai dit à quel point j’étais reconnaissante qu’il m’ait envoyée étudier en Europe, mais j’ai également souligné à quel point cette première opportunité professionnelle était précieuse. Mes parents ont fini par capituler.

Le programme de formation à Katoen Natie n’a pas été décevant. Je me formais pour devenir gestionnaire, mais la politique de l’entreprise, c’est que tous les apprenants doivent commencer au bas de l’échelle et explorer plusieurs unités. J’ai commencé dans l’entrepôt, je travaillais au département Logistique pour une société de commerce en ligne. Au bout de trois mois, on m’a proposé un poste au sein d’un projet de start-up et j’ai pu choisir mon domaine de spécialisation. J’ai décidé de travailler dans les opérations, parce que ça me permettait de continuer d’apprendre, de superviser plusieurs départements et de communiquer avec plusieurs fonctions. Je suis restée au bureau belge pendant trois ans et demi à gérer plusieurs entrepôts, dans des secteurs aussi variés que le commerce en ligne, les soins de santé, les articles de luxe et la chimie fine. Ma mission consistait à établir ou à améliorer les opérations de la chaîne d’approvisionnement de mes clients et à fournir les meilleurs services que l’industrie pouvait proposer.

En 2015, j’ai eu la possibilité de déménager au Texas pour un projet. J’ai accepté le défi et je suis partie m’installer de l’autre côté de l’Atlantique et pour l’instant, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde. J’ai rencontré mon époux au Texas, et c’est là que nous vivons depuis cinq ans et demi maintenant.

Parlez-nous de votre situation actuelle.

L’entreprise flamande pour laquelle je travaille est un grand groupe international présent sur tous les continents, mais qui a conservé l’esprit d’une entreprise familiale. Le climat de confiance que j’ai établi avec mes supérieurs et l’indépendance que j’ai acquise sont précieux, ce qui explique pourquoi je suis avec eux depuis huit ans.

Mon client actuel est un acteur de la chimie fine basé à Houston. Je suis responsable de tous les aspects des opérations, si bien que ma fonction a un côté entrepreneurial stimulant. L’expérience acquise à Audencia fait que je me suis sentie nettement mieux préparée pour m’adapter à un environnement aussi divers et international. Dans l’un de mes derniers projets, j’avais une équipe composée de 13 nationalités différentes !

Cette année fut éprouvante et épuisante à cause de la COVID. De nombreux produits finis de nos clients entrent dans la composition de produits essentiels, notamment des aliments, des médicaments et de l’eau. Le pic de demande a été si inattendu que nous avons dû adapter notre stratégie et appliquer des changements à très courte échéance. Ce fut un véritable test de réactivité.

Comment avez-vous fait pour gravir les échelons dans un environnement aussi masculin ?

Au début de ma carrière, j’ai eu du mal, parce qu’en tant que jeune femme chargée de la gestion des opérations, très peu de personnes me prenaient au sérieux. J’ai gagné la confiance de mes collègues à force de travail et d’empathie, en adoptant un style de direction collaboratif.

D’où tirez-vous votre satisfaction au travail ?

La coordination d’une multitude de personnes, de processus et d’éléments en mouvement est un défi que je trouve extrêmement stimulant. Un détail qui montre que j’adore ce que je fais, c’est que je n’ai jamais rechigné à aller au travail alors que beaucoup sont restés chez eux pendant le confinement, parce que je sentais que mon travail était important. Mon équipe, mon client et moi-même avons contribué, de façon infime, à la lutte mondiale contre la pandémie. Je médite souvent sur mes responsabilités à l’endroit de la société dans son ensemble et j’ai besoin de savoir que mon travail a un impact positif. En définitive, mon rôle est de faciliter la vie des autres. Quand je vois que les consommateurs bénéficient de mon travail en bout de chaîne et quand je reçois des messages de remerciements sincères de mes clients, je sais que mes efforts en valaient la peine.

Décrochez-vous facilement de votre travail ?

Ce n’est pas inné chez moi, mais depuis peu, je m’améliore beaucoup dans ce domaine. Mon secret, c’est de m’assurer qu’à la fin de chaque journée, j’ai avancé vers mon objectif principal et que j’ai une certaine visibilité sur ce qui m’attend le lendemain. De cette façon, je peux aller me coucher l’esprit tranquille et j’arrive généralement à avoir mes huit heures de sommeil.

En semaine, je suis logée dans un appartement à Houston. Le soir, je sors avec mes collègues et mes amis, je m’adonne à des activités récréatives et je me détends. Le vendredi, je rentre à Austin où je me sens connectée à ma famille et à la communauté indienne qui y vit. Je consacre mes week-ends à mes amis. Grâce à la technologie, je peux parler à mes parents deux fois par jour. On peut dire que nous sommes très proches !

Que ressentez-vous quand vous regardez votre parcours jusqu’ici ?

Franchement, quand je vois d’où je viens et tout ce que j’ai accompli depuis que j’ai décidé de devenir ingénieur, aller étudier à l’étranger, voyager et rencontrer tant de personnes merveilleuses… je dois me pincer pour y croire. C’est aux antipodes des conditions dans lesquelles j’ai grandi !

J’ai deux maisons aux États-Unis. Elles ont chacune quatre chambres et presque personne n’y habite… j’ai réalisé ce que je considère être une réussite financière et j’en suis très reconnaissante.

Quand je pense à mes rêves d’enfant – trouver des moyens d’aider les gens – je sais que j’ai bien fait de choisir une carrière dans la chaîne d’approvisionnement. Je n’ai absolument aucun regret.

Au-delà de toute autre considération, je suis heureuse d’avoir rendu mes parents fiers. Il y a quelques années, ils sont venus en Europe et je les ai amenés à Nantes, parce que c’était important pour moi qu’ils voient l’environnement qui m’avait façonnée. Nous sommes allés visiter les locaux d’Audencia et quand mon père s’est retrouvé dans le hall d’entrée à regarder tout autour de lui, il a eu les larmes aux yeux ! L’image de mon école publique en Inde nous est revenue en mémoire : un bâtiment d’une pièce avec une cour de récréation pas plus grande que notre salon. Nous avons tous ressenti de la fierté à ce moment-là. Ils ont rencontré ma « maman française », qui leur a confié comment elle m’avait vue grandir et prendre confiance en l’espace de quelques mois. C’est une artiste et une artisane et elle m’a présenté à d’autres artistes talentueux issus des quatre coins du monde, dont beaucoup comptent aujourd’hui parmi mes amis. Ces liens n’auraient jamais été possibles si je n’avais pas quitté mon nid à Bangalore.

Où vous voyez-vous dans cinq ans ?

Une chose est sûre, c’est que je veux poursuivre ma carrière dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement et continuer d’apprendre. La technologie évolue rapidement dans mon domaine et je veux rester à la page ! Je me vois rester aux États-Unis, parce qu’ici, les gens sont chaleureux et accueillants. Mais je déménagerais demain si une opportunité de progresser professionnellement se présentait, sous réserve que mon époux y trouve son compte. Je suis disposée à aller partout dans le monde. Littéralement.

Avez-vous des choses de prévues pour le week-end ?

Nous venons d’emménager dans une nouvelle maison, alors des heures de bricolage et de décoration nous attendent pour qu’on se sente chez nous. Et il y aura de multiples appels avec les miens, évidemment !

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