Stéphane Dugast

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Stéphane Dugast
SciencesCom 1998
Paris

Écrivain, auteur, réalisateur de documentaires et reporter

Diplômé SciencesCom en 1998, Stéphane Dugast s’est rapidement lancé dans l’aventure du grand large en devenant reporter pour Cols Bleus, le magazine de la Marine nationale. Tour à tour reporter, réalisateur, auteur ou encore conférencier, on pourrait tout aussi bien le qualifier d’explorateur-conteur.

Stéphane sillonne le monde pour nous en rapporter des histoires où se lisent en filigrane les exploits des figures tutélaires de l’exploration, de Pythéas à Paul-Émile Victor en passant par Magellan et Jules Verne, bien sûr, qui ne quitta guère l’Hexagone mais dont les récits des Voyages Extraordinaires ont suscité tant de vocations. Dont celle de Stéphane…

Comme un clin d’œil à Arthur Rimbaud, l’un des nombreux mentors de sa jeunesse, on pourrait qualifier Stéphane Dugast d’« homme aux semelles de vent ». Quand on lui demande de remonter aux sources de cette passion pour l’inconnu, l’exotisme et ses bouts du monde, c’est en pays nantais qu’il nous ramène, entre Loire et Sillon de Bretagne, où le jeune Stéphane a ressenti pour la première fois l’appel des horizons lointains.

Vous êtes un enfant du pays nantais. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos origines ligériennes et sur le territoire sur lequel vous avez grandi ?

J’ai passé mon enfance à Saint-Étienne-de-Montluc, sur la rive nord de l’estuaire de la Loire, à une grosse vingtaine de kilomètres à l’ouest de Nantes. Mon grand-père avait un moulin avec une chapelle attenante, sur les hauteurs du sillon de Bretagne. J’ai grandi à la campagne, dans les marais qui s’étendent jusqu’à la Loire, on pêchait à la grenouille, on sillonnait les routes à vélo avec mon frère et mes cousins. C’était un territoire de jeu formidable sur lequel on construisait des cabanes ou des radeaux pour aller sur le fleuve, des embarcations de bric et de broc qui ont coulé pour la plupart… Bref, c’était une enfance dans les Marais, pour faire référence au film de Jean Becker. J’étais par ailleurs très tourné vers les mondes imaginaires et le cinéma, celui d’Eddy Mitchell et de la Dernière Séance, avec ses films de guerre, ses westerns, tous ces films qui racontaient l’ailleurs.

Les paysages de mon enfance sont très campagnards et terriens, avec la promesse de l’océan proche mais que l’on ne voit pas. Si je ne devais retenir qu’une seule image de cette enfance, ce serait celle du grand chêne sur lequel on avait construit notre cabane en bois attenante aux vignes, à la minoterie et au moulin séculaire en pierre de mon grand-père Jean Redor. Notre imaginaire s’enflammait. On s’y protégeait contre des attaques de républicains, nous les chouans, ou d’indiens, nous les confédérés. Les ennemis pouvaient déferler à tout moment. Nous étions des rêveurs et des défricheurs. Mais j’ai toujours voulu aller voir ce qu’il y avait derrière la ligne d’horizon…

Tous les enfants ont des rêves sur leur vie d’adulte. Quels étaient les vôtres ?

J’ai bien sûr eu des rêves quand j’étais enfant, comme tout le monde. Mais je n’en parlais jamais. J’avais peur qu’on me dise : « C’est bien, tu as des rêves, c’est normal. Mais tu verras que la vie se chargera de te rappeler à la réalité ». Mes premiers rêves de grands espaces me sont venus dans ce pays que j’ai décrit, entre Loire et sillon. La promesse d’ailleurs me parlait. Et l’adolescent que je suis devenu, bien dans ses baskets mais qui se cherchait quand même, avait envie d’outre-mer, de désert, de tropiques, de glaces, de tous ces ailleurs et de tout cet exotisme qui font rêver les gens sédentaires. Quand je voyais un bateau, j’avais envie de m’embarquer dans ses soutes, de sentir leur odeur, de traverser l’océan et de partir au bout du monde. Je regardais sans cesse les Indiana Jones, surtout le troisième opus, Indiana Jones et la Dernière Croisade, que j’ai dû voir quinze fois, et forcément je me rêvais en archéologue.

Et puis ma maman, qui était institutrice, m’avait mis dans les mains tous les voyages extraordinaires de Jules Verne. Je rêvais de cocotiers, d’île désertes, de toutes ces choses qui font le « terrain de jeu » de l’explorateur. Et ce qui devait arriver arriva : j’ai fini par rêver de devenir explorateur.

Quel genre d’enfant étiez-vous ?

J’étais un enfant à la fois bien intégré socialement et solitaire. Je n’ai jamais été effrayé par la solitude. Je la recherche même parfois. Et je suis aussi capable de me fondre dans un groupe. J’ai quand même été pendant seize ans reporter embarqué sur des bâtiments de la Marine nationale, il fallait donc avoir quelques aptitudes humaines pour se fondre dans cet univers ! J’ai toujours adoré être dans des groupes avec lesquels je n’ai rien à voir. C’est une façon de se mettre un peu en danger. J’essaye depuis des années de me trouver une analogie avec un animal. Est-ce le caméléon ? C’est un peu téléphoné, mais il y a sans doute un peu de cela en moi.

J’étais tellement curieux que j’étais attiré par tout. J’allais voir un boulanger une journée, je voulais être boulanger. J’allais voir un écrivain, je voulais être écrivain… tout me plaisait.

Mais j’ai assez vite compris que ce qui m’attirait, c’était de raconter des histoires. J’ai créé un journal au collège, dans lequel j’ai écrit ma première chronique sur le film Crocodile Dundee. J’ai pris goût à l’écriture. Pour séduire mes fiancées, j’écrivais des poèmes, je me prenais pour Arthur Rimbaud. Mais ma note de 4 / 20 au bac de français m’a un peu ramené sur terre…

Cela ne vous empêchera pas d’écrire plus tard de nombreux livres ! Nous y reviendrons. En attendant, quelles études avez-vous faites ?

J’ai eu mon bac en 1992, à une époque où tout était possible en Europe. L’URSS disparaissait, la Russie s’ouvrait. Je rêvais de travailler dans les pays de l’Est, d’y vivre l’aventure. J’apprenais le russe. À l’oral de l’ESSCA d’Angers, où j’ai été reçu, j’avais mis ce rêve très en avant. Mais faute de financement je n’ai pas pu faire cette école. Je me suis retrouvé en fac de sciences économiques, à Nantes, juste en face d’Audencia ! C’était un peu confus dans ma tête car je continuais à avoir envie de voyager mais mes rêves d’exploration et d’écriture semblaient s’évanouir. Je me suis mis à faire du triathlon, à haute dose, pour me dépasser…

Mes diplômes de sciences économiques en poche, je suis parti à l’IAE de Lille car je voulais faire Erasmus, ce que j’ai fait en Irlande, au Waterford Institute of Technology. Pendant ma maitrise (Master), je suis devenu chroniqueur pour une émission de France Bleu Nord. Ça a été le déclic ! C’est ça que je voulais faire, raconter aux autres des histoires.… De retour à Nantes, ma maman m’a parlé de SciencesCom. Un article annonçait le recrutement pour un troisième cycle.  Ce n’était pas l’idéal car je m’étais mis en tête de devenir journaliste, Mais j’avais vu qu’un ancien, Alexandre Boyon, était devenu journaliste sportif à France Télévision. Je l’ai appelé, il m’a conseillé d’y aller en me disant tout de même que ce serait à moi d’ouvrir les portes pour devenir journaliste. Je crois que c’est cela qui m’a motivé….

Mes années à SciencesCom ont été à la fois très instructives et très festives. Je me suis éclaté. Mais les six derniers mois ont été très durs. Ma maman, qui avait un papillomavirus, est décédée en fin d’année. Presque tous les soirs, j’allais à son chevet à l’hôpital Laennec. Quand j’ai fini SciencesCom, la révolte a sonné. Je voulais « bouffer » le monde. Pour autant, j’avais un service militaire à accomplir. Mes tests physiques étaient excellents. Heureusement durant SciencesCom, j’avais rencontré un pacha du Sirpa (Service d’information et de relations publiques de l’armée). Je n’y suis pas allé par quatre chemins : je lui ai dit que je voulais être LE reporter qu’il n’avait jamais eu dans son service.

Et votre service militaire va vous en donner l’opportunité…

À l’issue de mon stage à la télévision sur Paris Première, je suis passé sans transition à la rédaction de Cols Bleus, le magazine de la Marine nationale. J’y ai accompli mon service militaire comme « matelot deuxième classe sans spécialité », un pompon rouge vissé sur le crâne. Ce bâchi et ce pompon rouge, je les ai d’ailleurs gardés en souvenir, bien en évidence sur une étagère de mon bureau. À la fin de mon service, j’ai tout fait pour être embauché à Cols Bleus. Mon rédacteur en chef m’a donné 48 heures pour lui prouver que j’étais la bonne personne. Je suis revenu avec une interview de Robert Hossein qui montait son spectacle “Celui qui a dit non” sur le général de Gaulle, ne suspectant pas que la marine de guerre n’avait guère été dans sa majorité très gaulliste ! Coup de chance, mon pacha était gaulliste… Il m’a embauché. Et ça a duré 16 ans.

J’ai longtemps été le seul reporter à Cols bleus. J’ai ainsi enfin pu voyager, accomplir mes rêves, faire du reportage, du documentaire… Les dernières années à Cols Bleus ont néanmoins été difficiles. On m’avait mis dans une voie de garage, je ne voyageais plus. J’en ai profité pour écrire la biographie de Paul-Émile Victor, suivre une formation de géopolitique à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) et prendre des cours d’écriture avant finalement d’être propulsé rédacteur-en-chef du journal !

À vos yeux, quelle a été votre première véritable exploration ?

C’était en 2001. Mon premier reportage sur le porte-avion Charles de Gaulle s’était mal passé, tout était cloisonné et je n’avais rien pu faire d’intéressant. J’étais à deux doigts de claquer la porte de la Marine quand on m’a proposé de rejoindre un bâtiment en route pour Clipperton, un atoll français très isolé dans l’est du Pacifique Nord. J’ai dû me débrouiller pour le rejoindre lors de son passage du canal du Panama… Arrivé au large de Clipperton, je me suis retrouvé face à l’île mystérieuse, celle dont je rêvais, je fantasmais dans mes lectures. Mais la frustration n’a pas tardé… Le bateau n’est resté que trois jours sur place, le temps pour les militaires de restaurer les marques de souveraineté française et de faire l’inventaire des crabes, des oiseaux et des cocotiers. Je les ai moi-même comptés, il y en avait exactement 387 à l’époque !

Trois jours, c’est très peu. J’avais envie d’y rester deux mois ! Cependant, ce premier reportage a été mon repérage pour mon second voyage à Clipperton avec à la clef mon premier documentaire pour Thalassa, une émission mythique pour France 3. Un tournage que je réaliserai en 2003 avec comme personnage fil rouge l’explorateur polaire de renom Jean-Louis Etienne. Je suis retourné à Clipperton en 2015 lors d’une expédition internationale pour constater que l’atoll avait beaucoup changé. Il n’y avait plus de crabe mais beaucoup de rats, la physionomie des plages s’était modifiée du fait de l’érosion et de la montée du niveau des océans.… La preuve que Clipperton, ce confetti de notre République, est quelque part une sentinelle au milieu de l’océan.

Pour en revenir à la solitude, fait-elle partie de votre parcours d’explorateur ?

Oui, en partie. Je rêve d’ailleurs d’une robinsonnade seul sur une île déserte, comme à Clipperton particulièrement. Seul, on se retrouve face à soi-même, face à ses qualités, ses défauts. Quand j’ai pédalé à travers la France pour mon projet La France Réenchantée, j’ai eu de grands moments de solitude. Mais lorsqu’on n’en a pas peur, la solitude peut vous grandir, vous faire sentir vivant, vous faire sentir le côté précieux de la vie. De même, je me suis parfois retrouvé tout seul dans des coins de l’Arctique. Le rapport à la nature est alors hyper puissant. Elle est à la fois majestueuse et terrifiante. D’un ciel bleu très rassurant, tout d’un coup le vent se met à souffler, on a froid, on ne peut pas s’abriter, la glace est fine et menace de céder sous notre poids… Tu te retrouves face à toi-même, cela te rend à la fois fragile et fort. Le lien à la vie et à la mort devient tangible, immédiat, rappelant cette frontière si ténue que l’on oublie si facilement dans notre société de consommation hédoniste.

On dit de vous que vous êtes explorateur. L’assumez-vous ?

Je ne sais pas si je peux me dire explorateur. Ma fille Joséphine me dit toujours qu’elle ne sait pas quoi mettre dans les cases quand on lui demande ma profession. Auteur, écrivain, réalisateur, explorateur ? À mes yeux, beaucoup d’explorateurs sont de vrais scientifiques, des archéologues, des océanographes… D’autres encore sont dans une dimension plus sportive ou héroïque, comme Mike Horn. En ce qui me concerne, j’explore pour transmettre, raconter et partager. La transmission est importante pour moi. Je suis fils d’enseignants… J’aime bien allumer la lumière et dire que tout est possible. Je suis donc également un passeur, un conteur, qui fait des films, des reportages, des livres… Je travaille également pour la presse, Historia, Terre Sauvage, le Figaro magazine, Géo ou encore Détours en France.

Lorsque l’on m’a proposé de rentrer à la Société des Explorateurs, dont je suis secrétaire général depuis 2015, j’ai longuement hésité. Pour moi, les explorateurs, ce sont Paul-Émile Victor, Théodore Monod… J’ai finalement accepté car la question y reste ouverte. Nous y avons de vrais débats sur qu’est-ce qu’être un explorateur, qu’est-ce qu’un aventurier, qu’est-ce qu’un voyageur… Je suis voyageur quand je vais en weekend avec ma femme à Venise. Pour sa part, l’aventurier va accepter le risque et l’imprévu. Quant à l’exploration, elle peut avoir cette part d’inutile qui pour moi est comme une belle promesse faite à la société. L’inutilité prend tout son sens quand on la partage, d’où mon besoin de raconter et de transmettre.

Quels sont les personnages qui ont inspiré votre vocation ?

Ils sont nombreux ! Paul-Émile Victor bien sûr, dont je suis le biographe. Jean-Baptiste Charcot, le gentleman polaire, lui-même mentor de Paul-Émile Victor. Le fascinant Philippe de Dieuleveult qui a fait rêver toute une génération avec son émission La Chasse au Trésor diffusée dans les années 1980 à la télévision, qui disparaît dans les chutes du Zambèze et dont on apprend par la suite qu’il était agent de la DGSE… L’écrivain et romancier Joseph Kessel bien sûr, dont j’ai dévoré tous les livres comme autant de véritables révélations. Il y a aussi des figures de fiction, comme Indiana Jones, qui ont façonné mes désirs et besoins d’aventure.

Vous portez une attention particulière au monde et aux populations qui l’habitent. Êtes-vous empathique ?

À mes débuts, j’ai beaucoup voyagé pour me gorger d’exotisme et d’inattendu. Mais j’ai rapidement eu besoin d’autre chose. Comprendre la planète, les gens, m’interroger, ne pas rester dans le simplisme ni le spectaculaire… Peut-être peut-on parler d’empathie. En tout cas j’essaie de donner un peu de mon temps et de mon énergie à des causes humanitaires. Je me suis beaucoup investi dans Aviation sans frontière, une ONG pour laquelle j’ai réalisé un livre. J’ai été sur le terrain pour eux, j’ai accompagné des enfants malades jusqu’au Burundi…

J’essaye aussi de m’impliquer dans ces causes avec la Société des Explorateurs. Nous y recevons bientôt une réalisatrice qui a suivi un migrant artiste dans sa traversée de la Méditerranée. Il y aura des bénévoles de SOS Méditerranée qui viendront témoigner de ces personnes prêtent à prendre tous les risques pour traverser la mer. C’est une autre forme d’exploration, ô combien plus risquée que celle que j’accomplis moi l’homme occidental.

Les étagères de votre bureau croulent sous le poids des livres. Pouvez-vous nous en citer quelques-uns ?

À portée de main, il y a un rayonnage de bandes dessinées. Je suis fou de BD, particulièrement de BD d’aventure. Si je devais n’en retenir qu’une, ce serait celle de Bernard Giraudeau et de mon ami Christian Cailleaux, R97, les hommes à terre. Ce roman graphique raconte l’histoire de marins embarqués sur la Jeanne d’Arc, ce mythique bâtiment de la Marine nationale. J’ai aussi beaucoup de livres références sur l’exploration. Je citerai Michel le Bris, le créateur du festival Étonnants voyageurs, et son Dictionnaire amoureux des explorateurs, et puis bien sûr L’Usage du monde de l’écrivain voyageur suisse Nicolas Bouvier. Tout en haut, il y a la collection complète des œuvres de Joseph Kessel, aux côtés des ouvrages d’Alexandra David-Neel, de Robert Capa et de beaucoup d’autres. Il y a aussi une pile de romans que je dois lire, et, bien immodestement je l’avoue, un rayonnage consacré à la quinzaine de livres que j’ai écrits.

Pouvez-vous nous parler de vos prochaines aventures ?

Par superstition, je n’aime pas trop aborder les projets que je n’ai pas encore signés.  Cependant, je vais repartir de façon certaine en voyage dans les canaux de Patagonie et le long de la Péninsule antarctique, à l’invitation d’un voyagiste, comme conférencier invité. Par ailleurs, j’aimerais me lancer dans l’écriture de scenario, écrire de la fiction pour de la bande dessinée, et, rêve ultime, pour le cinéma. Je viens d’ailleurs d’être accepté par la Société des Gens de Lettres pour une formation après laquelle je courais depuis longtemps. J’ai écrit une grosse quinzaine de livres, des atlas, des livres illustrés, des enquêtes, une biographie…. et j’ai l’impression qu’en matière d’édition j’ai un peu fait le tour. Je pense qu’il est temps de passer à des histoires un petit peu plus universelles, et encore plus romanesques.

Quels conseils donneriez-vous à des étudiants d’Audencia qui souhaiteraient marcher dans vos pas ?

Je leur conseillerai en premier lieu de ne pas se donner de limites. Je leur dirai que tout est possible, que l’utopie est un joli mot. « L’utopie n’est pas l’irréalisable mais l’irréalisé, » pour citer Théodor Monod. Je crois que j’ai pris la route des utopies. Pour sortir un peu du discours du conférencier que je suis, je crois que si on a un rêve on peut y aller à condition d’essayer d’aligner ce que l’on a dans la tête – cet intellect avec lequel on fait ses rêves – avec deux choses : son propre regard, qui n’est pas encore bien acéré quand on sort de ses études, son cœur et ses tripes.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les métiers liés à l’exploration sont beaux sur le papier mais très flous du point de vue du plan de carrière, et pour tout dire peu lucratifs ! Personnellement, j’accepte cette liberté, qui se traduit par certaines fins de mois tendues suivies par trois mois plus à l’aise. Cela fait partie du jeu, il faut le savoir avant de se lancer. Au début de ma carrière, Jean-Louis Étienne m’avait dit : « Tu verras, si tu veux faire ce métier, l’essentiel c’est de durer ». Autrement dit, on peut faire des coups, de belles explorations suivies d’un beau livre, on peut s’enflammer, mais ça peut s’arrêter très vite. Il faut pouvoir réitérer régulièrement.

Qu’avez-vous fait le weekend dernier ? Et qu’allez-vous faire le weekend prochain ?

Le samedi, j’ai travaillé, car ce sont des métiers pour lesquels il ne faut pas compter ses heures. Le soir, j’ai regardé en famille Cœurs noirs, une série sur les forces spéciales engagées en Irak. Et dimanche je suis allé rouler en Gravel trois heures dans le bois de Boulogne. J’ai besoin de nature et de chlorophylle. Je roulerai de nouveau le weekend prochain, mais on prévoit aussi avec ma femme d’aller au cinéma et voir une exposition. Quitte à vivre à Paris, autant se laisser surprendre par cette capitale qui recèle de tant de trésors.

Est-il compliqué de concilier votre passion de l’exploration avec votre vie de famille ?
Ma fille Joséphine a 14 ans. Je l’ai eue à l’âge de 35 ans. Dès sa naissance, j’ai essayé de privilégier le qualitatif au quantitatif, de faire des projets qui certes peuvent m’immobiliser un mois mais qui aboutissent à un livre ou à un film. Par ailleurs, dans ce métier d’explorateur, on est quand même souvent derrière un ordinateur à construire les projets, à faire de la coordination. Même si je bouge aussi beaucoup dans les festivals en France, je suis quand même beaucoup chez moi. Au final, je dois être absent entre deux et trois mois par an, de manière fragmentée. Je parviens donc à concilier le métier d’explorateur avec une vie de famille.

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