Sorachna Honn
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PDG de Prince Bank
Comme beaucoup de ses compatriotes, il incarne encore, à 40 ans, les valeurs traditionnelles du Cambodge, ancrées dans les traditions bouddhistes. Ce qui différencie Sorachna et explique pourquoi il est parvenu à créer une des banques les plus performantes en Asie du Sud-Est, ce sont d’autres qualités. Doté d’une grande maturité et d’un bon sens de l’observation, il a développé au fil des ans une curiosité pour le comportement humain et pour le monde qui l’a encouragé à regarder plus loin que le bout de son nez.
En 2015, Sorachna a créé de toutes pièces une institution de microfinance. Trois ans plus tard, l’établissement recevait son agrément bancaire. Ce qui est impressionnant, ce n’est pas uniquement cette rapidité de développement. L’accumulation de distinctions internationales témoigne de la foi de Sorachna dans l’entreprise citoyenne. Son entreprise figure sur la liste des 100 meilleures marques employeurs en Asie pour l’année 2019 dressée par Employer Branding Institute ; elle a été élue « meilleure marque employeur du Cambodge 2020 » par World HRD Congress et « meilleure banque commerciale du Cambodge 2020 » par International Banker. Et pour Sorachna, « ça ne s’arrête pas là ». Il ambitionne de jouer dans la cour des grands et se voit bien faire son entrée sur la scène internationale.
Au cours de cette entrevue, Sorachna se remémore son parcours et en particulier les bons moments passés à Audencia. Il explique que son inscription au programme MSc International Master in Management (IMM) a joué un rôle déterminant dans sa carrière… et a éveillé chez lui une aversion à vie pour les saucisses !
Avez-vous grandi dans le respect des valeurs cambodgiennes traditionnelles ?
Tout à fait. Ma famille a des origines chinoises, elle est installée à Phnom Penh depuis quelques générations. C’est là que j’ai grandi. Je suis l’aîné de trois garçons. Mes parents n’étaient pas particulièrement aisés et ils devaient faire de longues journées de travail, alors ma grand-mère s’est beaucoup occupée de moi. On m’a habitué à être respectueux et obéissant à la maison, et ma famille et mes voisins louaient souvent ma gentillesse et mon obligeance.
Je suis né peu après la fin du régime de Pol Pot et sa mission barbare consistant à décimer les intellectuels du pays. Malgré les campagnes d’intimidation, ma mère a gardé une profonde admiration pour le métier d’enseignant tout au long de ces années traumatisantes. Elle m’a inculqué ce sens du respect et pendant de nombreuses années, j’ai rêvé de devenir enseignant. Ma mère était très exigeante avec nos devoirs à la maison et elle m’encourageait constamment à acquérir de nouvelles compétences. Pour autant, je me souviens de ces années avec tendresse, car j’adorais l’école et les études. Selon les normes du monde occidental contemporain, on pourrait considérer que j’ai reçu une éducation stricte, mais je suis reconnaissant envers ma famille et mes enseignants de la façon dont ils m’ont éduqué.
Alors vous n’étiez pas le genre d’enfant à faire le pitre sur la cour de récréation juste pour vous faire apprécier des autres ?
Eh bien, on avait plus de chance de me trouver en marge, à observer mes amis jouer, plutôt qu’au cœur de l’action… surtout si je sentais que leurs jeux allaient leur attirer des ennuis ! J’ai toujours aimé observer les gens autour de moi. C’était ma façon d’apprendre et aujourd’hui encore, je conserve cet intérêt pour le comportement humain.
Cela dit, je n’étais pas lâche. En fait, j’ai toujours été curieux et indépendant, et dès l’âge de cinq ans, j’étais prêt à aller à l’école sans être accompagné. On me considérait comme l’enfant le plus mûr du groupe et j’étais choisi pour être le chef. Ça doit vouloir dire que j’étais populaire… enfin à ma façon !
Pourquoi avez-vous décidé d’aller faire votre mastère à l’étranger ?
Quand j’étudiais en licence d’ingénieur à Phnom Penh, j’ai commencé à travailler comme professeur d’anglais. En sortant de l’université en 2003, j’ai travaillé pour une compagnie d’assurance, puis pour une institution gérée par des experts étasuniens chargés de fournir des compétences financières techniques. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé l’ampleur que prenait le secteur bancaire au Cambodge, alors je suis entré chez Canadia Bank, la plus grande banque locale, comme agent de prêt. Le point de bascule pour moi, c’était quand j’ai compris que l’expérience professionnelle que j’accumulais ne serait jamais suffisante pour me permettre de progresser comme je le voulais dans le secteur bancaire. Alors j’ai décidé d’approfondir mes connaissances en finance et en gestion, et je me suis inscrit à la Royal University of Law & Economics, parce que je savais qu’elle avait un partenariat avec Audencia. Une fois là-bas, je me suis plongé dans les études à corps perdu et j’ai réussi à concrétiser mon rêve d’être accepté au programme double diplôme à Nantes.
Parlez-nous de votre adaptation au mode de vie français.
C’était mon premier séjour en Europe et je n’avais jamais été aussi excité. Par chance, il y avait une communauté cambodgienne très soudée à Nantes. Une amie en particulier m’a pris sous son aile et m’a aidé à trouver un hébergement. Les trois premiers mois, j’ai été logé dans un mobile home, dans un camping près de l’École, et j’ai adoré ça ! Je m’étais préparé psychologiquement à un choc culturel, alors je me suis plutôt bien adapté. J’étais déterminé à tirer pleinement parti de mon séjour et à m’ouvrir à autant de découvertes que possible. J’avais décidé d’essayer tous les plats qui me passeraient sous le nez. Les découvertes culinaires les plus intéressantes que j’ai faites, ce sont le couscous et le kebab. Cependant, il y a une spécialité française à laquelle je ne me suis pas habitué… les saucisses ! Le simple souvenir de goûter une saucisse m’horrifie !
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant quand vous suiviez le programme IMM ?
J’ai été impressionné par la façon dont le personnel à Audencia aidait les étudiants internationaux à se sentir bienvenus et à s’intégrer. Le programme et les ressources étaient de très haut niveau. J’ai même rapporté quelques études de cas de gestion de projet et de gestion des ressources humaines dans ma valise : je les ai encore dans mon bureau à la maison !
Mon groupe était un vrai melting pot, avec des étudiants originaires de France, de Chine, d’Inde, du Viet Nam, du Canada et du Maroc. L’ambiance dans le groupe était sensationnelle et nous allions souvent boire un verre en ville… même si je ne bois pas beaucoup, alors j’y allais principalement pour être avec eux. Il est difficile de dire quel est mon meilleur souvenir, mais ce fut probablement notre échange en Pologne. J’y ai fait ma première bataille de boules de neige, à 27 ans. En fait, c’était la première fois que je voyais de la neige. Ce souvenir restera avec moi pour toujours.

Avez-vous grandi dans le respect des valeurs cambodgiennes traditionnelles ?
Tout à fait. Ma famille a des origines chinoises, elle est installée à Phnom Penh depuis quelques générations. C’est là que j’ai grandi. Je suis l’aîné de trois garçons. Mes parents n’étaient pas particulièrement aisés et ils devaient faire de longues journées de travail, alors ma grand-mère s’est beaucoup occupée de moi. On m’a habitué à être respectueux et obéissant à la maison, et ma famille et mes voisins louaient souvent ma gentillesse et mon obligeance.
Je suis né peu après la fin du régime de Pol Pot et sa mission barbare consistant à décimer les intellectuels du pays. Malgré les campagnes d’intimidation, ma mère a gardé une profonde admiration pour le métier d’enseignant tout au long de ces années traumatisantes. Elle m’a inculqué ce sens du respect et pendant de nombreuses années, j’ai rêvé de devenir enseignant. Ma mère était très exigeante avec nos devoirs à la maison et elle m’encourageait constamment à acquérir de nouvelles compétences. Pour autant, je me souviens de ces années avec tendresse, car j’adorais l’école et les études. Selon les normes du monde occidental contemporain, on pourrait considérer que j’ai reçu une éducation stricte, mais je suis reconnaissant envers ma famille et mes enseignants de la façon dont ils m’ont éduqué.
Alors vous n’étiez pas le genre d’enfant à faire le pitre sur la cour de récréation juste pour vous faire apprécier des autres ?
Eh bien, on avait plus de chance de me trouver en marge, à observer mes amis jouer, plutôt qu’au cœur de l’action… surtout si je sentais que leurs jeux allaient leur attirer des ennuis ! J’ai toujours aimé observer les gens autour de moi. C’était ma façon d’apprendre et aujourd’hui encore, je conserve cet intérêt pour le comportement humain.
Cela dit, je n’étais pas lâche. En fait, j’ai toujours été curieux et indépendant, et dès l’âge de cinq ans, j’étais prêt à aller à l’école sans être accompagné. On me considérait comme l’enfant le plus mûr du groupe et j’étais choisi pour être le chef. Ça doit vouloir dire que j’étais populaire… enfin à ma façon !
Pourquoi avez-vous décidé d’aller faire votre mastère à l’étranger ?
Quand j’étudiais en licence d’ingénieur à Phnom Penh, j’ai commencé à travailler comme professeur d’anglais. En sortant de l’université en 2003, j’ai travaillé pour une compagnie d’assurance, puis pour une institution gérée par des experts étasuniens chargés de fournir des compétences financières techniques. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé l’ampleur que prenait le secteur bancaire au Cambodge, alors je suis entré chez Canadia Bank, la plus grande banque locale, comme agent de prêt. Le point de bascule pour moi, c’était quand j’ai compris que l’expérience professionnelle que j’accumulais ne serait jamais suffisante pour me permettre de progresser comme je le voulais dans le secteur bancaire. Alors j’ai décidé d’approfondir mes connaissances en finance et en gestion, et je me suis inscrit à la Royal University of Law & Economics, parce que je savais qu’elle avait un partenariat avec Audencia. Une fois là-bas, je me suis plongé dans les études à corps perdu et j’ai réussi à concrétiser mon rêve d’être accepté au programme double diplôme à Nantes.
Parlez-nous de votre adaptation au mode de vie français.
C’était mon premier séjour en Europe et je n’avais jamais été aussi excité. Par chance, il y avait une communauté cambodgienne très soudée à Nantes. Une amie en particulier m’a pris sous son aile et m’a aidé à trouver un hébergement. Les trois premiers mois, j’ai été logé dans un mobile home, dans un camping près de l’École, et j’ai adoré ça ! Je m’étais préparé psychologiquement à un choc culturel, alors je me suis plutôt bien adapté. J’étais déterminé à tirer pleinement parti de mon séjour et à m’ouvrir à autant de découvertes que possible. J’avais décidé d’essayer tous les plats qui me passeraient sous le nez. Les découvertes culinaires les plus intéressantes que j’ai faites, ce sont le couscous et le kebab. Cependant, il y a une spécialité française à laquelle je ne me suis pas habitué… les saucisses ! Le simple souvenir de goûter une saucisse m’horrifie !
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant quand vous suiviez le programme IMM ?
J’ai été impressionné par la façon dont le personnel à Audencia aidait les étudiants internationaux à se sentir bienvenus et à s’intégrer. Le programme et les ressources étaient de très haut niveau. J’ai même rapporté quelques études de cas de gestion de projet et de gestion des ressources humaines dans ma valise : je les ai encore dans mon bureau à la maison !
Mon groupe était un vrai melting pot, avec des étudiants originaires de France, de Chine, d’Inde, du Viet Nam, du Canada et du Maroc. L’ambiance dans le groupe était sensationnelle et nous allions souvent boire un verre en ville… même si je ne bois pas beaucoup, alors j’y allais principalement pour être avec eux. Il est difficile de dire quel est mon meilleur souvenir, mais ce fut probablement notre échange en Pologne. J’y ai fait ma première bataille de boules de neige, à 27 ans. En fait, c’était la première fois que je voyais de la neige. Ce souvenir restera avec moi pour toujours.

La microfinance est un secteur qui a le vent en poupe. Quel serait votre conseil aux étudiants à Audencia qui songent à travailler dans ce domaine ?
La microfinance est un moyen de sortir des personnes de la pauvreté en leur donnant l’accès aux microcrédits dont elles ont besoin pour lancer leur propre activité. Cette stratégie fait partie intégrante de la croissance économique du Cambodge et c’est l’une des plus grandes réussites au monde en matière d’inclusion financière. Plusieurs institutions financières internationales ont reconnu le rôle exemplaire du Cambodge pour d’autres pays en développement, notamment en Asie du Sud-Est et en Afrique du Sud. C’est une discipline fascinante qui évolue rapidement, alors je conseillerais à quiconque est intéressé d’acquérir une grande expertise, bien plus spécifique que celle que j’ai acquise il y a cinq ou six ans.
Dans quoi trouvez-vous un but et un sens dans votre vie de tous les jours ?
Je ne suis pas propriétaire de Prince Bank, mais je me sens aussi concerné que si la banque m’appartenait. Je considère que ma mission est d’amener l’institution là où le souhaite son propriétaire. Je veux juste que « ma » Prince Bank soit leader au Cambodge et peut-être dans quelques années, qu’elle dépasse nos frontières. Avec un peu de chance, le monde pourra un jour bénéficier des services de ma banque. Ce qui me motive, c’est de donner en permanence les moyens à mes collègues, quel que soit leur poste, à travers des formations de qualité, de s’épanouir et d’effectuer leur travail du mieux de leurs capacités.
Comment faites-vous pour gérer une telle pression au travail ?
Je ne vais pas vous mentir, mon parcours n’a pas toujours été une partie de plaisir et j’ai passé de nombreuses nuits sans pouvoir trouver le sommeil. Ce qui fait que je reste sain d’esprit, c’est de savoir que j’ai recruté des personnes talentueuses en qui j’ai une confiance absolue. Mais je sais pertinemment que le stress est inhérent à mon poste et je le gère en faisant du sport. Récemment, je me suis mis au golf. Il n’y a pas à dire, c’est pratique pour concilier l’exercice et le réseautage.
Il est également essentiel pour moi de passer du temps avec mes enfants, qui ont trois, six et neuf ans. Je pars tôt de la maison et je rentre tard, alors je viens leur faire leur petit bisou du soir quand ils sont déjà endormis. Le week-end, j’ai souvent des réceptions professionnelles et je suis joignable 7 jours sur 7, 24 heures sur 24… Autant dire que mon temps avec eux est une affaire de qualité plus que de quantité ! Ils se plaignent de ne pas me voir suffisamment, alors quand je suis avec eux, j’essaie d’être vraiment là. Pour me faire pardonner, je les laisse choisir les jeux auxquels on joue. J’ai la chance d’être marié à une femme merveilleuse qui assume presque tout le stress de notre vie de famille au quotidien !
Quels sont vos souhaits pour l’avenir de vos enfants ?
Je voudrais juste qu’ils aient la sagesse et l’intelligence de choisir une voie par eux-mêmes. J’espère qu’ils trouveront leur voie comme j’ai trouvé la mienne. Je les encouragerai certainement à essayer.
Qu’avez-vous de prévu pour le week-end ?
J’emmène ma famille passer trois jours à Kampot, une ville côtière située dans le sud-ouest du Cambodge. Nous allons nous détendre dans la nature avec mon supérieur et sa famille. Même si ce n’est que pour trois jours, j’ai hâte que mes enfants me laissent un peu de répit et qu’ils arrêtent de se plaindre que je travaille trop !