Shirley Akkerman

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Shirley Akkerman
MSc IM 2009
Rotterdam

Consultante et entrepreneure en commerce en ligne

Après avoir suivi une formation Bachelor aux Pays-Bas ponctuée de séjours à Helsinki et Paris, et après un Master International partagé entre Nantes, Varsovie et Barcelone, Shirley a déclaré qu’elle ne retournerait jamais vivre dans sa ville natale de Rotterdam, aux Pays-Bas. À 23 ans, son bachelor et son master en poche, Shirley n’était pas encore prête à entrer dans la vie réelle (comme elle le dit elle-même). Toujours mue par une incommensurable envie de voyager, elle a acheté un aller simple pour le Népal et s’est dirigée, seule, vers le camp de base de l’Everest. « Je voulais faire la chose la plus terrifiante que j’aie jamais faite », confie-t-elle.

Quand elle est enfin redescendue à des altitudes plus clémentes, Shirley a travaillé neuf ans dans le commerce en ligne. Pendant cette période, elle a développé l’emblématique sac à dos antivol Bobby pour la marque XD Design, mené avec brio huit campagnes de financement participatif et dirigé des projets avec une approche pratique collant à la réalité du terrain. Aujourd’hui, Shirley a changé de cap et depuis un an, elle est consultante et entrepreneure dans le commerce en ligne. Elle achète ses propres produits et possède ses propres marques qu’elle vend en Europe, sur des plateformes en ligne et sur ses propres sites web.

D’une curiosité dévorante, elle voue une passion aux gens, à la nature, aux animaux et aux objets. Shirley a également attrapé le virus de la montagne et elle peut se targuer d’avoir escaladé des pics de renom tels que le Mont-Blanc en France, le Toubkal au Maroc et le Huayna Potosi en Bolivie.<br /> Quand nous la rencontrons, cela fait 13 ans qu’elle est diplômée d’Audencia et elle se sent bien là où elle est installée, à Rotterdam. Découvrons maintenant dans quelle direction sa carrière la mène aujourd’hui.

Parlez-nous de votre enfance. 

J’ai grandi à Rotterdam avec mon frère, ma mère et ma grand-mère. Quand j’étais enfant, je ne dirais pas que j’étais timide, mais le monde me faisait un peu peur, assurément. J’étais toujours en marge. Par exemple, si j’allais à une sortie de survie en plein air pour une fête d’anniversaire et que tout le monde s’amusait, je me mettais dans un coin pour pleurer en disant que j’avais peur. Je n’étais pas triste, juste timorée. Vers l’âge de 16 ans, j’ai réalisé que j’en avais marre de regarder les autres vivre leur vie, alors je me suis prise en main et j’ai enfin commencé à me bouger !

Pourquoi avez-vous choisi de vous installer à Rotterdam ?

Après avoir étudié en Espagne, en Finlande, en France et en Pologne, j’ai pensé que je ne reviendrais jamais aux Pays-Bas et à Rotterdam. Je pensais que je continuerais de sillonner le monde jusqu’à la fin de mes jours, mais après tant d’années à vivre à l’étranger, j’ai vraiment senti qu’il était temps de rentrer à la maison et de poser mes valises. Étrangement, je ne me vois pas vivre ailleurs qu’ici à l’heure actuelle.

D’où vous vient cette passion pour la montagne ?

J’ai toujours adoré le grand air et l’alpinisme permet de se connecter au reste du monde. Quand on atteint sa destination, on est gagné par un sentiment incroyable de victoire, on a l’impression que le monde nous appartient. Je suis allée seule jusqu’au camp de base de l’Everest (5364 m), car quand on est seul, l’esprit de camaraderie est toujours très fort en montagne, tout le monde s’entraide. On peut souffrir de l’altitude, mais les paysages sont exaltants et époustouflants de beauté. Il ne fait aucun doute que ces quatre mois passés dans l’Himalaya, au Népal et au Tibet, m’ont appris la détermination.

Comment avez-vous géré votre retour dans le « monde réel » ?

Ce fut comme une piqûre de rappel. J’ai réalisé que j’arrivais à court d’argent, alors je n’avais pas d’autre choix que de travailler ! Nous étions en pleine période de crise économique et les entreprises n’embauchaient pas. On me disait que j’étais surqualifiée, que j’avais trop de diplômes. Je n’intéressais pas les recruteurs. Ensuite, j’ai décroché un super poste chez Trust, une très grande entreprise d’électronique ici, aux Pays-Bas, où j’ai travaillé comme agent d’achat pendant deux ans et demi. Je devais me rendre en Chine très régulièrement pour négocier les prix et j’ai dû apprendre le processus d’achat de bout en bout. Et au moment où je ne cherchais pas, une nouvelle opportunité s’est présentée à moi avec l’entreprise néerlandaise XD Design. Celle-ci vendait principalement des articles promotionnels et elle souhaitait développer l’aspect vente au détail de son activité, vendre aux consommateurs et non plus se contenter de proposer des cadeaux d’entreprise.

J’ai commencé par travailler pour le département Vente au détail de XD, qui était pour ainsi dire inexistant. J’étais là pour remplacer la seule personne qui avait créé le département avant de partir vers d’autres horizons. On m’a attribué un bureau et on m’a souhaité bonne chance. En définitive, j’ai monté l’intégralité du réseau d’agents de vente et de distributeurs dans plus de cinquante pays. C’était de la vente à l’ancienne, mais j’ai beaucoup appris. Ensuite, je me suis attelée à établir la stratégie de commerce en ligne, qui a pris une ampleur que personne n’avait anticipée, avec une boutique en ligne dans 52 pays, trois entrepôts dans le monde et des places de marché aux quatre coins du monde. Notre célèbre campagne de financement participatif a vraiment fait parler de nous. Nous avions un seul prototype, une seule idée, un seul narratif, mais les ventes ont dépassé le million de dollars US en un mois. C’était vraiment fou. Aujourd’hui, XD Design fait partie des plus grands fournisseurs en Europe.

Parlons un peu des sacs à dos antivol Bobby, c’était votre idée ?

Nous avons un studio de design très talentueux à Shanghai et j’ai collaboré étroitement avec l’équipe. Elle essayait de résoudre les problèmes que les gens rencontrent dans les transports en commun, en particulier dans de grandes villes comme Shanghai ou Paris. Tout le monde porte son sac à dos sur le ventre, comme un bébé, par peur des pickpockets. On entendait parler de personnes en France et en Italie dont le sac avait été tailladé et vidé de son contenu. Je suis intervenue aux derniers stades de la conception, pour l’aspect et le toucher du sac, les teintes et quelques détails de finition. Ce qui est bien avec une campagne de financement participatif, c’est que nous avons créé le sac en concertation avec les consommateurs. Le sac était prêt à 90 %, mais nous voulions vraiment que les utilisateurs finaux nous disent ce qu’il manquait ou ce qu’ils voulaient y trouver. Nous avons fait des enquêtes pour savoir s’il fallait ajouter des poches ou une autre couleur, par exemple. Les gens répondaient et nous changions le design et la fabrication. La création en concertation avec les consommateurs est l’un des aspects du processus que j’ai préférés. Le sac que vous voyez aujourd’hui correspond en fait à la troisième génération du produit.

Le nom Bobby, c’est mon idée. Ça, je le revendique ! C’est une référence aux casques arrondis des policiers londoniens, parce que nos sacs à dos ont la même forme. Elle est censée évoquer la sécurité et les forces de police !

Je me souviens que les premières années qui ont suivi le lancement du sac, à chaque fois que j’en voyais un, que ce soit aux États-Unis, au Japon, en Suisse ou ailleurs, j’abordais son propriétaire et je demandais à faire un selfie avec lui.

J’ai passé neuf ans chez XD, autant dire que l’essentiel de ma carrière professionnelle à ce jour s’est déroulé là-bas. En novembre 2021, j’ai décidé de quitter l’entreprise.

À vous entendre, vous étiez très heureuse chez XD Design, qu’est-ce qui a motivé votre départ ?

Oui, j’étais très heureuse là-bas ! Si j’y étais encore, je pense qu’un de mes objectifs serait toujours de mieux faire connaître la marque.

Mais j’ai toujours eu l’envie pressante d’être une entrepreneure. Je pense que d’une certaine façon, je l’étais déjà chez XD, c’est juste que ce n’était pas mon entreprise. J’ai mis sur pied ma propre équipe, développé mes propres produits et j’ai fait pratiquement tout ce qu’on fait quand on a sa propre entreprise. Mais ce n’était pas mon entreprise, et une petite voix à l’intérieur de moi a commencé à chuchoter : « Shirley, si tu ne le fais pas maintenant, tu ne le feras jamais ». Alors, après neuf ans, j’ai pris la décision de partir et j’ai créé deux entreprises, une pour le conseil et l’autre pour le commerce en ligne.

Pouvez-vous nous en dire plus sur vos deux entreprises ?

L’une de mes activités est le conseil. J’ai réalisé que partout où je faisais des salons, d’autres marques, d’autres entrepreneurs me demandaient comment mettre en place une campagne de financement participatif ou comment créer un environnement de commerce en ligne, par exemple. Alors aujourd’hui, je conseille d’autres marques sur les stratégies de commerce en ligne, je les aide à créer des processus entièrement automatisés avec de multiples entrepôts ou de multiples plateformes, de multiples sites web, etc. J’établis aussi des stratégies de commercialisation sur différentes places de marché, parce que c’est encore un point que certaines entreprises ne comprennent pas totalement ou dont elles ne tirent pas tout le potentiel. On ne peut pas faire l’impasse sur des acteurs comme Amazon, mais comment fait-on pour travailler avec eux sans casser ses prix ou sans nuire à la marque ? Un autre gros morceau, c’est le financement participatif, parce que de nombreuses marques en ont peur ou veulent vraiment se lancer, mais ne savent pas comment s’y prendre.

Mon autre activité, c’est du commerce en ligne. J’ai travaillé dans l’achat et la vente pendant tellement d’années que je n’ai eu aucun mal à développer ma propre marque de produits de beauté pour les vendre sur les plateformes et sur mes propres boutiques en ligne.

Comment avez-vous fait pour définir les produits que vous vouliez développer sous votre propre marque ?

Depuis que je travaille, j’ai tendance à aller dans le sens du vent pour voir comment les choses évoluent. J’adore tout ce qui touche à la beauté, principalement les produits et les gadgets, alors j’ai lancé ma propre gamme de produits cosmétiques. D’ailleurs, ce matin, j’ai reçu une commande des États-Unis, si bien que la semaine prochaine, un magasin à New York proposera mes produits de beauté à la vente !

Ma stratégie, c’est de rechercher les lacunes. On peut dire que je suis une geek, j’adore faire des recherches par mots clés. J’essaie de déterminer ce que les gens recherchent et là où l’offre n’est pas très fournie. Je dois aussi avoir un bon ressenti pour le produit et je ne vends rien que je n’aime pas ou que je ne comprends pas. Un produit doit avoir un lien avec un élément de ma propre existence. Par exemple, je vends beaucoup de produits pour chiens, inspirés par ma chienne et par ses besoins (je la vois qui me regarde au moment où on parle).

Combien de temps tiendrez-vous avant d’avoir la bougeotte ?

Je n’ai eu que deux postes depuis la fin de mes études, ce n’est pas comme si je ne tenais pas en place. Je pense que je vais rester là où je suis un petit bout de temps. Pour l’heure, j’ai assez à faire avec le développement de mes deux activités et je suis impatiente de voir où cela va me mener. Aux Pays-Bas, on dit : Quand un train passe et qu’il te plaît, monte dedans et vois où il te mène. C’est exactement ce que j’ai fait jusqu’à maintenant et je pense que ce sera pareil pour mes entreprises. J’aime vraiment beaucoup ce que je fais actuellement et mes activités se développent rapidement. Cela étant, je ne m’interdis pas de créer une troisième, voire une quatrième entreprise.

Quels souvenirs avez-vous d’Audencia ?

Mon meilleur souvenir, c’est d’aller étudier dans trois pays différents, parce que ma formation était dispensée à Nantes, à Varsovie et à Barcelone. En fait, je n’ai passé qu’un tiers du programme MSc IM à Audencia. Globalement, ce fut une expérience panoramique incroyable dont je suis repartie avec deux amis proches que je continue de voir très régulièrement.

Mes années dans le système éducatif néerlandais ont été plutôt ternes. On arrivait le matin, on suivait les cours et on repartait chez soi. C’est tout. Quand je suis arrivée à Audencia, le contraste était saisissant. Il y avait un comité d’accueil et une journée d’intégration, quelle belle façon de commencer l’année. Le premier et le dernier jour sont encore imprimés très clairement dans mon esprit, parce qu’ils étaient très intenses.

Avec les autres étudiants, nous vivions tous dans ces petits appartements à Nantes. Taghi et Nariman d’Azerbaïdjan étaient mes voisins d’un côté, Cyril et Baptiste, deux Français, habitaient de l’autre. C’était un tout petit village de maisons de vacances et il y avait aussi une piscine minuscule. Je me souviens qu’on s’amusait vraiment beaucoup. Un étudiant de ma promotion avait une voiture et même si les ronds-points nous faisaient peur parce qu’il n’avait pas l’habitude de conduire à droite, on a fait des escapades mémorables !

Comment faites-vous pour décompresser ?

J’adore me dépasser, être au grand air, voyager et faire de l’alpinisme. J’adore aller marcher avec ma chienne. Elle est grande, c’est un croisement entre un boxer et un labrador et je vais marcher avec elle deux heures tous les jours. J’aime beaucoup être au milieu de la nature, ça me revigore.

Quel conseil donneriez-vous aux étudiants d’aujourd’hui ?

L’un de mes anciens employeurs m’a demandé de faire du mentorat pour ses start-ups et pour ses entrepreneurs en herbe. Récemment, j’ai participé à un atelier sur le leadership par les femmes et on m’a notamment demandé comment je faisais pour maîtriser si bien la situation, pour être si sûre de moi et avoir confiance en tout ce que je fais. Mon conseil, c’est d’arrêter de s’inquiéter d’avoir peur, car au fond, tout le monde est terrifié. Simplement, on apprend à mieux le cacher ! Une fois encore, je conseillerais de faire ce qui vous terrifie le plus. C’est ce qu’il y a de mieux.

Quels sont vos plans pour le week-end ?

C’est la fête de la Reine bientôt, alors je vais aller à ce grand festival. Ça fait du bien de retrouver une vie sociale après tant de temps sans voir personne.

Quelle est la réalisation professionnelle dont vous êtes la plus fière ?

Sans aucun doute, le fait d’avoir réussi à faire les choses qui m’effrayaient le plus. Par exemple, j’étais terrifiée à l’idée d’aller à l’étranger pour la première fois, mais j’y suis allée. Ensuite, j’ai été terrifiée à l’idée d’aller à Nantes, de devoir découvrir une nouvelle ville et d’apprendre à connaître un nouveau groupe de personnes. Dans ma famille, personne avant moi ne s’était inscrit en master, alors j’ai eu peur de ne pas réussir, mais j’ai décroché mon diplôme. C’est pareil pour les activités en plein air. Et ça a été pareil tout au long de ma carrière. Réussir à faire les premiers pas qui me faisaient tellement peur, faire les salons qui me terrifiaient, et à chaque fois, toute seule, en fait.
Toute cette peur m’a appris que plus quelque chose nous terrifie, plus grande sera la satisfaction en définitive. Je ressens encore de la peur au quotidien, mais je suis fière de parvenir à la surmonter. Ç’a été pareil quand j’ai quitté le travail que j’aimais pour créer ma propre entreprise.

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