Olivier Duha

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Olivier Duha
MSCI 1993
Bruxelles

Fondateur & CEO Webhelp

« J’ai certainement eu la chance d’évoluer jeune dans un environnement business sain et d’avoir reçu une éducation qui privilégiait la gestion dite de « bon père de famille ». Il est évident qu’à mes yeux une entreprise doit être rentable pour survivre et se développer. Il faut un business model simple : on comprend ce que l’on vend, on sait ce qu’il en coûte, on peut anticiper ce que cela rapporte.

En ce début des années 2000, ces principes ne sont pourtant pas dans l’air du temps. L’ère de la nouvelle économie privilégie l’originalité à la rentabilité, on parle de disruption, de first mover advantage, du winner takes all », écrit Olivier Duha dans son ouvrage Think Human – La révolution de l’expérience client à l’heure du digital paru aux éditions Eyrolles.

Vingt ans plus tard, le PDG et co-fondateur de Webhelp (120 000 salariés dans plus d’une soixantaine de pays) peut se retourner sur le parcours sans faille de son entreprise qui a rapidement su allier disruption et rentabilité pour devenir l’un des leaders mondiaux des services et solutions d’expérience et relation clients. « Si j’avais un message à faire passer à de futurs entrepreneurs, je leur dirais qu’ils n’imaginent pas l’immensité du monde des opportunités et des possibles », affirme-t-il aujourd’hui en choisissant de résumer sa pensée par l’adage anglais : The sky is the limit.

Au propre comme au figuré, d’où venez-vous, Olivier Duha ?

Je suis né à Dax, dans les Landes. C’est une région assez pauvre, très agricole, où l’on aime vivre, faire la fête et jouer au rugby. Mon grand frère, kiné-ostéopathe, y vit toujours. Pour ma part, je suis installé à Bruxelles depuis une dizaine d’années avec mon épouse et mes cinq enfants.

Mon enfance a été facile et heureuse. Mon père était commerçant. Il s’était fait tout seul et j’ai sans doute hérité des valeurs entrepreneuriales mais aussi d’exemplarité qu’il diffusait à la maison. Il m’a aussi appris que pour réussir, il faut sortir de sa zone de confort. J’étais un enfant très actif, voire turbulent, un peu touche-à-tout, je faisais beaucoup de sport.

Je ne me suis intéressé aux études qu’à partir de la Première, lorsque j’ai réalisé qu’avoir un bagage intellectuel n’était pas inutile. L’économie était ma matière de prédilection. Je crois que les premiers livres que ma mère m’a achetés étaient des bouquins d’économie. Je me rappelle avoir lu « Le prix de l’excellence », le best-seller de Robert H. Waterman, dès sa sortie. Mes bons résultats en économie et en maths m’ont naturellement orienté vers les écoles de commerce.

Vous intégrez donc Audencia ?

Pas tout de suite. Malgré une mononucléose qui m’a cloué au lit une bonne partie de mes années de préparation à Pau, j’ai intégré Sup de Co Poitiers (désormais Excelia, NDLR). À l’issue des trois ans à Poitiers, j’ai enchaîné par une quatrième année à Audencia pour suivre le master Management Conseil Ingénierie, en 1992. J’ai toujours été intéressé par les dimensions analytique et stratégique dans le monde des affaires. Ce master, très axé sur le métier du conseil de l’ingénierie, me convenait parfaitement. Ça a été une année passionnante qui a débouché par un stage au cabinet de conseil L.E.K Consulting.

Cette première expérience professionnelle vous a-t-elle marqué ?

Oui, énormément. Je suis rentré chez L.E.K. Consulting en même temps que deux autres stagiaires qui venaient d’HEC et de Centrale. Le patron de L.E.K. m’a un peu perturbé en me disant qu’un seul emploi serait créé à l’issue de nos stages et que, face à HEC et Centrale, mon diplôme d’Audencia ne ferait sans doute pas le poids ! Bref, j’ai été challengé dès le départ et je me suis aperçu que l’adversité me convenait, qu’elle me donnait envie de me dépasser. Car au final, c’est moi qui ai eu le poste !

Et cette histoire s’est répétée assez vite. L.E.K. est un cabinet anglais. Après un séjour de six mois au bureau de Londres, je suis revenu au bureau de Paris et j’ai demandé un poste à Sydney. On m’a alors expliqué que je ne faisais pas partie du haut de la liste. Mais j’ai décroché Sydney ! C’est la deuxième petite victoire de ma jeune carrière. Je suis resté un an en Australie. Ça a été une phase importante dans un parcours que je voulais internationaliser au maximum.

Pourquoi avez-vous été choisi pour rester chez L.E.K, puis pour aller à Sydney, alors que vous n’étiez pas prioritaire ?

Je pense avoir eu une capacité de travail supérieure à mes collègues. Je me rappelle avoir beaucoup travaillé. Je pense également être extrêmement fiable, sérieux et discipliné. Je ne fais que répéter ce que l’on me disait à l’époque ! Je suis hard worker et j’ai une vraie conscience professionnelle. Je ne suis pas forcément le plus intelligent sur tous les sujets, mais je crois avoir été apprécié pour ce mélange de discipline, de conscience professionnelle et de plaisir pris au travail. Car on travaille beaucoup à partir du moment où on y prend beaucoup de plaisir ! J’étais peut-être un peu plus passionné que les autres. C’est tout cet ensemble des choses qui fait que j’ai été plus vite repéré par les managers, les consultants et les partenaires.

Et puis vous décidez de reprendre vos études. Pourquoi ?

J’adorais travailler dans le conseil. Le positionnement de L.E.K Consulting était très analytique. C’était beaucoup de réflexion sur des beaux cas de stratégie. Intellectuellement, je trouvais ça passionnant ! Mais j’y étais depuis cinq ans et j’étais arrivé à un stade où, pour faire évoluer ma carrière, le passage par la case MBA devenait incontournable. J’ai postulé à l’Insead, où j’ai été pris, en 1997. Sincèrement, j’y suis allé sans grand enthousiasme, en me disant que c’était juste nécessaire pour progresser. Mais en fin de compte, j’y ai vécu une année exceptionnelle. Je le dis souvent à mes enfants : c’est formidable de pouvoir reprendre ses études à 30 ans. D’abord parce qu’on a un niveau de maturité qui n’a plus rien à voir. Ensuite, parce qu’on a de nombreux points de repères du fait d’avoir déjà travaillé dans le monde de l’entreprise. Plus rien n’est conceptuel, plus rien n’est théorique. Tout se reconnecte beaucoup plus facilement avec la réalité. J’avais 47 nationalités dans ma promotion. C’était socialement très intense, intellectuellement très riche.

Qu’avez-vous fait après votre MBA ?

J’ai repris ma carrière dans l’univers du conseil, car je m’y trouvais bien. J’étais très attaché à L.E.K. et j’avais l’intention d’y revenir, mais j’ai eu l’opportunité de rentrer dans un plus gros cabinet américain, Bain & Company. Mon retour à la vie professionnelle s’est accompagné d’une grosse charge de travail. Nous sommes à la fin des années 1990, c’est l’époque du décollage d’Internet. On sent alors qu’un monde nouveau va émerger. Et même si j’adore ce que je fais chez Bain & Company, je sens poindre l’envie de devenir entrepreneur. Je dois trouver la bonne idée pour me lancer. Par ailleurs, pour étoffer l’équipe du dernier cas que j’ai eu à manager, j’avais recruté Frédéric Jousset. Mais j’avais fait une erreur : il n’était pas du tout fait pour le conseil ! Il avait un profil plutôt très entrepreneurial. Je lui ai proposé de monter une boîte ensemble, qui deviendra Webhelp. Nous sommes restés associés de nombreuses années. Il a depuis pris une autre trajectoire et je suis désormais seul aux commandes.

Pouvez-vous revenir sur la création de Webhelp ?

L’entreprise a démarré un peu sur un coup de tête. Après coup, il y a des choses qui paraissent évidentes, mais sur le moment, il s’agit plutôt d’intuition. Ce n’est pas vraiment rationnel, on sent juste qu’une combinaison de facteurs est là et qu’il faut la saisir. Il y a aussi un peu de hasard, mais comme disait Pasteur, « le hasard ne favorise que les esprits préparés ». Et je pense que j’avais l’esprit préparé à ça.

Notre constat était le suivant : Internet allait devenir une formidable bibliothèque, il lui fallait donc un bibliothécaire. Il s’agissait donc de monter un moteur de recherche à assistance humaine, à une époque où Google n’existait pas encore. Nous souhaitions disrupter l’univers du call center en imaginant une relation client beaucoup plus digitalisée, au travers d’interfaces telles que les e-mails, les chats, les vidéos, etc.

Cette idée a très vite rencontrer le succès. De gros investisseurs nous ont suivis, tels que Bernard Arnaud, via Europ@web, notre premier actionnaire de référence. On a fait du buzz, le produit a rapidement gagné en notoriété… mais il n’était pas rentable ! À l’époque, la monétisation par la publicité et par la data, ça marchait bien sur les slides, mais dans la réalité, c’était autre chose. Et donc, à chaque fois que quelqu’un posait une question sur la plateforme, on perdait de l’argent, ce qui me permettait de savoir le nombre de jours qu’il me restaient avant de devoir réécrire mon CV !

Nous avons alors rectifié le tir en abandonnant le B2C au profit du B2B. Nous avons rapidement gagné nos premiers clients, tels que les fournisseurs d’accès Internet ou les premiers sites de e-commerce. Nous recrutons alors beaucoup d’ex-consultants de cabinets de conseil pour renforcer notre consulting en amont et parvenir à une offre très tech, très novatrice, et nous décidons de délocaliser les ressources pour réduire les coûts : autant de choix qui expliquent le succès précoce de Webhelp, qui s’impose alors en France comme le nouvel acteur de l’outsourcing de la relation client.

Si vous deviez ne transmettre qu’une seule chose de cette aventure entrepreneuriale, laquelle serait-ce ?

Je crois que l’on sous-estime trop souvent le potentiel de développement d’une entreprise. Si j’avais un message à faire passer à de futurs entrepreneurs, je leur dirais qu’ils n’imaginent pas l’immensité du monde des opportunités et des possibles. En anglais, on dit souvent The sky is the limit. Et c’est vrai. Même lorsqu’on atteint le but que l’on s’est fixé, il y a toujours derrière un territoire à défricher.

Quand on a lancé Webhelp, on s’est fixé comme objectif de devenir leader en France. Nous étions tout petits, cela paraissait démesuré… Et nous y sommes parvenus. Mais la France, c’est 4,5 % du PIB mondial. Cela veut dire que 95 % des richesses sont ailleurs ! On s’est donc donné comme nouvel objectif de devenir n°1 en Europe. Un objectif qui paraissait lui aussi impossible… Et nous y sommes parvenus. Et quand je dis à mes équipes que désormais l’objectif c’est d’être n°1 mondial, ils me prennent pour un fou ! Et je leur dis toujours : « Si vous ne rigolez pas quand je vous parle de mes objectifs, c’est qu’ils ne sont pas assez ambitieux ! »

En fin de compte, la montagne paraît toujours plus petite une fois qu’on est en haut. C’est quelque chose que j’ai appris de ces 20 dernières années. En tant qu’entrepreneur, cela a été une vraie découverte de réaliser à quel point il ne faut pas avoir peur de penser grand.

Cependant, je dois admettre que nous n’avons jamais subi d’échecs graves. Des péripéties, bien sûr, des difficultés sans aucun doute, mais pas d’événements majeurs qui auraient pu mettre l’avenir de Webhelp en danger. C’est peut-être en partie parce que nous avons une gestion du risque très pointue. Des risques, nous en prenons forcément, car pour avancer, il faut être audacieux. Mais la rigueur de notre analyse fait que nous n’avons jamais mis l’entreprise en danger, même dans le cadre des 27 acquisitions que nous avons effectuées.

Accordez-vous une importance particulière à votre entourage professionnel ?

J’ai une conviction très forte que je répète à mes équipes : Start with the who not with the what. La valeur des hommes et des femmes qui nous accompagnent est la chose la plus importante. Pour moi, le capital humain est la conjonction des capacités intrinsèques d’un individu – donc ses compétences sur un sujet – et de sa culture. Les bons skills ne vont pas sans le bon mindset.

Je consacre un temps considérable à recruter les bonnes personnes. Je fais passer la culture, le mindset en premier dans mes critères de recrutement. Car une culture dans une entreprise, c’est comme l’éducation dans une famille. On peut former les gens sur des compétences qu’ils n’ont pas, mais on ne peut pas changer leur culture. Bien sûr, il n’y a pas une bonne ou une mauvaise culture. Mais faire cohabiter les cultures trop différentes dans une entreprise, ça ne marche pas. La diversité est importante, mais elle a ses limites. Une certaine homogénéité culturelle est nécessaire pour éviter les risques d’inertie. Donc, on s’assure d’avoir un maximum de diversité dans nos rangs, tout en nous assurant d’une certaine cohérence culturelle qui corresponde à notre entreprise. Le professeur et consultant américain Peter Drucker disait « Culture eats strategy for breakfast », et c’est tellement vrai !

Êtes-vous sujet au stress ?

Oui, mais pour moi, il y a deux formes de stress. Le stress paralysant et le stress dynamisant. Celui-ci est générateur de dopamine et, en ce qui me concerne, il décuple mon énergie. Quand on me dit : « Avec Audencia, face à HEC et Centrale, tu n’auras pas forcément un poste après ton stage », cela me stresse mais me motive en même temps ! Je suis souvent bien meilleur dans l’adversité, face à des situations difficiles.

Think human, think peace apparaît sur le fond d’écran de votre ordinateur. Pourquoi avez-vous écrit cela ?

Think Human, c’est la baseline de Webhelp, que vous retrouvez sous notre logo. Dans notre industrie, la ressource humaine est l’actif le plus précieux. Dans le monde de la relation client, le cœur du réacteur, c’est l’humain.

Nous accompagnons des grandes marques sur leurs problématiques d’interaction avec leurs clients. Nous sommes à la fois un cabinet de conseil, un cabinet IT et un opérateur de centres de contact. Dès lors, soit nous nous positionnons comme une entreprise de technologie, soit comme une entreprise de ressources humaines. Or, je considère que la ressource essentielle, c’est l’humain, et non la technologie. Toutes les entreprises du secteur peuvent acquérir une même technologie. Par contre, quand on parvient à fidéliser les ressources humaines par la façon de traiter ses collaborateurs, on a alors un avantage concurrentiel difficile à copier. Webhelp est reconnue pour cette approche très people first. En R&D, mon investissement prioritaire se porte donc sur tout ce qui est training, onboarding, people engagement initiative, etc.

Par ailleurs, je pense que le Think Human doit être au cœur de la réflexion des marques, pour deux raisons. D’une part, sous l’effet du digital, le rapport de force entre les marques et les consommateurs a changé en faveur de celui-ci. D’autre part, nous sommes passés à une économie de l’expérience où l’on ne juge plus uniquement le coût-bénéfice d’un produit, mais également tout ce qui se passe avant l’achat et tout ce qui se passe après, c’est-à-dire l’intégralité du parcours client.

Quant au Think Peace, je l’ai rajouté le 24 février 2022, date de l’offensive russe en Ukraine…

Vous avez repris votre baseline, Think Human, pour nommer votre fondation…

Nous avons effectivement créé la Think Human Foundation. Elle a pour but de faire du giveback sur les sujets d’inclusion et d’éducation, des sujets qui nous intéressent beaucoup et en rapport avec le fait que nous sommes dans un métier très people intensive. Au départ, il s’agissait d’un fonds abondé par les fondateurs de l’entreprise et ses actionnaires. Désormais, l’idée est de faire participer tous les collaborateurs, même s’ils donnent quelques euros. Quelques euros multipliés par 120 000 personnes, ça fait un budget annuel non négligeable.

De quoi êtes-vous le plus fier dans votre parcours professionnel ?

Lorsque je me rends sur les sites de Webhelp partout dans le monde, je prends toujours le temps de faire des tables rondes avec les collaborateurs qui travaillent dans les centres de contact. Je souhaite savoir ce qu’ils retiennent de la culture de l’entreprise en leur posant la question : « Comment parlez-vous de Webhelp à votre entourage ? » Je suis très fier de la cohérence de leurs réponses, qui souligne que nous faisons la différence par notre politique de gestion sociale. Cela me touche beaucoup. La cohérence – je préfère le mot anglais consistency – de notre politique RH à l’échelle de l’ensemble de l’entreprise est sans doute l’élément dont je suis le plus fier.

Quelle est votre journée type ?

Il y en a deux. La première où je travaille de chez moi. Beaucoup de choses se font désormais par vidéo. Dans ce cas, j’aime me lever tôt : je commence par lire la presse, travailler et faire 45 minutes de sport. Vers 9h30, je suis opérationnel pour mes premiers meetings. Je travaille quasiment sept jours sur sept. J’allège un peu le week-end mais je travaille un peu quand même, car j’aime ça.

La seconde est une journée où je suis en voyage. Nous sommes présents dans une soixantaine de pays, avec 230 centres de production et contact center. Il faut que j’aille voir mes clients, que j’accompagne mes équipes… Je passe plus de 200 jours par an en voyage.

Nourrissez-vous l’esprit entrepreneurial chez vos cinq enfants ?

C’est important d’être dans l’influence, mais pas dans la manipulation ni la contrainte. Je n’ai pas du tout envie de les perturber. Ils doivent trouver leur voie et il n’y en a pas de mauvaises. Ce n’est pas parce que je suis entrepreneur qu’il faut qu’ils fassent pareil ! La valeur d’exemple, qui est valable quel que soit le métier, c’est l’envie de bien faire, la discipline, le sérieux, l’effort. Personnellement j’essaye de tout faire à fond, et pas seulement sur le travail.

Qu’allez-vous faire ce week-end ?

Des amis viennent nous rendre visite à Bruxelles, où j’habite. Nous allons en profiter pour faire un petit tour à Bruges et à Anvers. Un peu de visite, un peu de sport, et un peu de travail bien évidemment ! (Rires)

Comment voyez-vous votre entreprise dans cinq ans ?
Au départ, nous nous sommes développés sur le service par lequel nous accompagnons les marques avec nos équipes partout dans le monde. Nous avons ensuite ajouté un département IT pour proposer des solutions technologiques dans l’univers de l’expérience client, puis une activité de conseil en solution design pour des entreprises qui se transforment. Je pense que l’activité de conseil, notamment, prendra de plus en plus d’importance. Toute proportion gardée bien sûr, nous nous rapprochons du monde d’Accenture sur la partie expérience client.

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