Henar Cabrera
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Coach de vie et maitre Reiki
Interview réalisée en 2022. Henar est aujourd’hui Consultante senior en recrutement pour la société i-Recruit à Dublin.
Quand nous avons contacté Henar Cabrera, elle vivait à Dublin où elle travaillait comme représentante du service clientèle chez Blue Nile, un détaillant étasunien de bijouterie en ligne. Deux semaines plus tard, au moment de notre entrevue, elle était installée à San Sebastian, en Espagne, fière de se présenter comme coach de vie et maître Reiki. Nous nous sommes laissé emporter par une de ces conversations qui semblent suivre leur propre cours. Pleine de tours et de détours, comme la vie d’Henar, en somme.
Enfant, Henar ne s’est jamais aventurée très loin de Madrid, sa ville natale, mais sa vie a changé dès l’instant où elle a compris qu’elle devait répondre à l’appel du large.
Le programme EIBM d’Audencia (Master in European & International Business Management) lui a permis d’esquisser les fondements de sa carrière internationale. De l’Espagne à la France, de l’Allemagne à la Chine et à l’Irlande avant de revenir en Espagne, le parcours d’Henar est un carnet de voyage autant que l’histoire d’une transition professionnelle et d’une quête spirituelle. Une quête de guérison des traumatismes de l’enfance, d’indépendance, de l’âme sœur, d’un travail porteur de sens et avant tout, de la découverte de son véritable soi. Henar a bouclé la boucle et est retournée vivre dans son pays natal. En chemin, elle a trouvé sa mission, motiver et guérir les autres pour qu’ils puissent vivre pleinement leur vie. Empreints de sagesse, les mots d’Henar nous encouragent à apaiser notre esprit, à faire confiance à notre cœur et à l’écouter, lui qui est l’essence de notre être et source de joie. Ils résonneront en tous ceux qui se retrouvent à questionner leurs choix de vie.
Parlez-nous un peu de votre enfance à Madrid
Il n’a pas été évident du tout d’affronter mes blessures d’enfance ; il m’a fallu des années de thérapie pour accepter que les parents intègrent les traumatismes qui remontent à leur propre enfance dans la façon dont ils élèvent leurs enfants, et qu’ils font de leur mieux avec les ressources dont ils disposent. Enfant, j’étais introvertie, la tête emplie de rêves d’une vie épanouie, imaginant la totale : une carrière brillante, un époux aimant et une maison pleine d’enfants. Aujourd’hui, je me demande si ces désirs n’étaient pas en réalité les projections d’autres personnes, plutôt que mes propres rêves.
La carrière internationale faisait-elle partie de votre plan ?
L’envie irrépressible de m’aventurer hors de mon pays natal m’est venue relativement tard. Avec des parents fonctionnaires, j’ai été élevée avec une mentalité très espagnole, très locale. La graine internationale a commencé à germer après mon séjour à Utrecht, aux Pays-Bas, dans le cadre d’un programme d’échange universitaire. Quand je suis rentrée à Madrid, j’ai décroché un contrat de trois ans au sein d’une production de journal télévisé. Je sais à quel point ça semble glamour, et je suis reconnaissante de cette expérience, mais dans le même temps, je ne pouvais pas m’empêcher de penser que ce n’était pas ma destinée. Je savais qu’il manquait quelque chose, je brûlais de partir à l’aventure, je voulais apprendre de nouvelles langues et m’immerger dans d’autres cultures.
Pendant longtemps, ce rêve m’a semblé hors de portée, alors j’ai décidé de repartir à l’étranger pour étudier, pensant que ça m’apporterait la confiance et les bases dont j’avais besoin pour une carrière internationale. Quand j’ai découvert le programme European and International Business Management d’Audencia, il m’a semblé que c’était précisément la voie à suivre.
Qu’est-ce qui vous a plu dans le programme EIBM ?
Le programme était composé d’une rotation tous les trois mois dans trois pays différents : l’Espagne (Bilbao), la France (Nantes) et le Royaume-Uni (Bradford), ce que je trouvais particulièrement attrayant. Il était centré sur le commerce international avec un cursus imposant en droit international, en finance et en ressources humaines. Mais pour être honnête, j’ai surtout choisi ce programme pour les opportunités internationales qu’il offrait.
Contrairement à de nombreux étudiants, je n’avais pas de plan préconçu en m’inscrivant. J’admirais les personnes rationnelles et déterminées, je les enviais parfois, et je me reprochais mon manque de direction et de confiance. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus clémente avec moi-même, parce que je sais à quel point ce changement représentait un acte de foi pour moi. Je me connais mieux désormais, et j’accepte d’être mue par l’intuition et la spiritualité, plus que par la rationalité.
Le programme a-t-il tenu ses promesses ?
Il fallait retenir beaucoup de chiffres, ce qui m’a submergée les premiers mois, en particulier parce que j’étudiais dans une autre langue. Pourtant, j’ai été étonnée par ma capacité à persévérer malgré les difficultés. Je me sentais encouragée par une force puissante, que je ne peux attribuer qu’à Dieu. Je n’étais pas à l’aise non plus avec l’aspect réseautage, mais je savais que c’était une partie essentielle de l’expérience. Je me suis fait violence pour nouer des liens avec d’autres étudiants et petit à petit, c’est devenu plus naturel. En France et en Espagne, mon emploi du temps était plutôt chargé. À Bradford, c’était plus léger, avec plus de projets que d’heures de cours, alors ça m’a laissé plus de temps pour socialiser. C’est comme ça que j’ai rencontré l’homme qui m’a emmenée en Chine…
Parlez-nous de vos pérégrinations professionnelles
J’ai trouvé un travail à Paris, ce qui n’aurait pas été possible, je pense, sans mon expérience à Nantes. Ce fut une période idyllique, à travailler pour Windrose pour vendre des documentaires et d’autres contenus télévisuels dans le monde entier. C’était une façon idéale de combiner mes antécédents dans les médias avec mes compétences en commerce international. La communauté française m’a acceptée comme une des siens. J’ai eu la chance d’assister à des événements prestigieux comme le Marché international des programmes de télévision à Cannes et il était réconfortant de constater que j’étais désormais à l’aise avec le réseautage. Ça montre qu’on peut toujours acquérir son type de personnalité idéal. Je me souviens d’une soirée à Cannes, nous fêtions l’anniversaire d’une amie : elle était russe, nous nous étions rencontrées en Espagne, et nous avons fait la fête avec des gens intéressants venus du monde entier. Je me sentais en totale harmonie avec cet environnement international, comme si les étoiles s’étaient alignées pour moi.
Quand ma supérieure a accepté un poste en Allemagne, elle m’a proposé de la suivre et j’ai accepté sans hésiter, excitée à l’idée de plonger dans un nouvel univers. Cependant, après quelques mois seulement là-bas, la charge de travail et le stress étaient devenus tellement insupportables qu’un jour, j’ai eu une crise de panique au bureau. Ma conscience intérieure a repris le dessus et m’a poussée à m’extirper de cette situation malsaine. J’ai compris que ma curiosité m’incitait à pousser l’exploration encore plus loin. Par un étrange coup du sort, mon petit ami à cette période, avec lequel j’entretenais une relation à distance depuis plusieurs années, venait de décider de retourner à Taïwan, d’où il était originaire, alors j’ai levé les voiles et je l’ai suivi. Les formalités administratives pour obtenir un visa étaient franchement fastidieuses, mais à ce moment-là, Swedbrand, une entreprise internationale d’emballage, m’a recrutée et m’a parrainée. J’ai fait plusieurs voyages sympas en Europe, mais je me dépassais pour atteindre les objectifs de vente aux dépens de mon propre bien-être, une fois encore. Ensuite, en 2016, j’ai trouvé un travail comme représentante du service clientèle chez Blue Nile, un revendeur de bijouterie en ligne, et ce poste fut une véritable bénédiction.
Comment en êtes-vous arrivée au coaching, alors ?
Après avoir souffert d’anxiété liée au travail pendant de nombreuses années, j’ai enfin trouvé des environnements professionnels en Chine qui m’ont apporté la paix. J’étais dans un état d’esprit propice à l’introspection et c’est ainsi que j’ai découvert mon intérêt pour le coaching. J’ai réalisé que mes amis venaient souvent vers moi pour me faire part de leurs vicissitudes, et j’étais naturellement douée pour écouter. J’ai commencé à croire que je pourrais tirer parti de cette confiance qu’on m’accordait et d’en vivre, alors je me suis inscrite à des cours du soir sur le coaching et j’ai découvert une communauté très solidaire. C’était une période de ma vie merveilleuse et équilibrée : mon travail de jour m’apportait l’ouverture internationale et la stabilité, et le soir, j’explorais cette nouvelle activité avec laquelle je me sentais tellement vivante. J’ai commencé à organiser à mon compte des ateliers motivationnels et de développement personnel. J’étais épatée d’avoir trouvé une voie que je pouvais ouvrir toute seule et qui m’apportait tant de joie.

Pourquoi êtes-vous rentrée en Europe alors ?
La relation avec mon petit ami a capoté. Avec le recul, j’aurais pu le prédire avant de m’envoler avec lui à l’autre bout du monde, mais je n’ai aucun regret. Il fallait que je passe par ces expériences pour gagner ma conscience de moi-même. Ainsi, je me retrouvais célibataire en Chine, où je me sentais bien installée, avec un travail que j’aimais, un réseau d’amis solidaires et ce projet de coaching qui me comblait et me passionnait. Pour autant, je mourais d’envie d’être en couple ; je continuais de faire des rencontres, mais j’avais le pressentiment que je trouverais l’amour en Europe. Je me souviens être allée en Espagne pour les grandes vacances et avoir réalisé à quel point la vie était douce en Europe. J’ai décidé qu’un nouveau mode de vie était à ma portée et qu’il fallait déménager pendant que j’étais encore jeune et sans attaches. Mon employeur, Blue Nile, avait une base européenne en Irlande et n’avait pas d’objection à ce que je sois mutée là-bas.
Est-ce que c’est l’Irlande en définitive qui a coché toutes les cases ?
Pas vraiment, mais j’ai un scoop ! J’ai trouvé l’amour, le vrai, et un partenaire pour la vie en Irlande, et nous allons nous marier ! J’ai également reçu ma certification de coach de vie, un accomplissement dont je suis fière. Ma vie professionnelle, cependant, allait une nouvelle fois à vaux l’eau. Mes objectifs de vente avaient récemment augmenté, de pair avec mon niveau de stress, alors il y a une semaine, j’ai démissionné d’un emploi stable pour embrasser ma mission spirituelle. Je n’imaginais pas que ma transition vers le coaching serait aussi radicale et soudaine. Mon plan de départ était de me constituer une clientèle solide avant de passer au coaching à temps plein, mais j’étais arrivée à un point où je m’enlisais totalement. Il devenait difficile de jongler avec les deux activités en parallèle, car mon travail salarié était exigeant pour l’esprit et quand je coachais, j’avais du mal à me concentrer sur mon cœur et mes tripes. Je suis reconnaissante envers mon employeur pour sa confiance, mais j’ai accepté que la vie ne se résume pas à un job de bureau, qui étouffe mon âme. Aujourd’hui, je suis prête à passer plus de temps plus près de l’inconnu et de l’inconfort, jusqu’à ce que je détermine la prochaine étape de ma vie.
Félicitations pour le mariage à venir ! D’où vient votre fiancé ? D’Irlande ? De Chine ?
Ha ha ! En fait, il est australien ! Il enseigne l’anglais et nous partageons la même passion pour la découverte d’autres cultures. Si on fait la somme des pays dans lesquels nous avons vécu, on en compte 13 ! On s’est rencontrés en Irlande et c’est lui qui a ressenti l’urgence de changer de pays. Il avait une envie folle de soleil et de mer, et il a trouvé un poste à San Sebastian. Il a proposé de m’aider pendant que j’établis mon activité et je lui fais confiance pour savoir ce qui est le mieux pour nous deux. Je suis donc rentrée en Espagne par amour pour lui et c’est ainsi que j’ai renoué avec mon pays natal, après douze ans à l’étranger.

Êtes-vous parvenue à être en harmonie avec votre raison d’être ?
Je suis définitivement sur la bonne voie ! J’aide les gens à déterminer ce qu’ils désirent au plus profond d’eux et à planifier en conséquence. Je suis également maître Reiki ; l’objectif est ici thérapeutique, ça consiste à aider les gens à guérir de traumatismes passés pour qu’ils se sentent en harmonie avec le présent et avec eux-mêmes. Et comme je suis passionnée par les relations et les rencontres amoureuses, je propose également ce que j’appelle un coaching « Mange, prie, aime ». Certaines femmes, dont je fais partie, ont été embourbées dans des relations toxiques, voire violentes. Elles se retrouvent coincées dans le même schéma, qui affecte souvent leurs relations professionnelles aussi. Je suis là pour aider ces femmes à traverser une séparation, à réparer un cœur brisé, à retourner dans l’arène des rencontres amoureuses et à former une union sacrée. Toutes ces disciplines peuvent être de puissants outils pour vivre pleinement cette courte existence qui nous est donnée.
Regrettez-vous les choix que vous avez pu faire en matière d’éducation et de carrière, ou allez-vous jusqu’à les considérer comme une perte de temps ?
Je n’ai aucun regret, j’essaie de comprendre ma vie à mesure qu’elle se déroule. Il m’a fallu ces longues phases d’exploration pour accepter que la vie d’entreprise ne convient pas à tout le monde, malgré le confort et la sécurité remarquables qu’elle apporte. Mes parents peinent encore à comprendre mes choix, mais je sais que la pression qu’ils continuent d’exercer sur moi pour que je parvienne à leur version de la réussite vient d’un bon sentiment. J’écoute ce qu’ils ont à me dire, mais je suis aujourd’hui bien plus à même de suivre mes propres désirs.
Y a-t-il des recommandations que vous souhaiteriez donner aux étudiants et aux diplômés d’Audencia qui essaient actuellement de comprendre quel sens ils veulent donner à leur parcours personnel ?
En tant que coach de vie, je n’aime pas prodiguer de conseils. Je sais que chacun doit trouver sa propre voie. Ce dont je suis sûre, c’est que l’épanouissement commence par la prise de conscience des attentes des autres à votre endroit – les parents, les amis, les enseignants, etc. Ensuite, il s’agit de se connecter à son cœur. Notre cœur est plus sage que le modèle rationnel qu’on nous apprend à suivre. Ma recommandation, c’est d’écouter ce que vous désirez réellement, au-delà de toutes ces projections sociales. Une vie centrée sur le cœur et la joie est bien plus épanouissante que le faux sens de sécurité donné par le monde logique et capitaliste dans lequel nous vivons. Je sais que le processus peut être terrifiant, mais croyez-moi, une fois qu’on accomplit cet acte de foi, les portes s’ouvrent.

Vous avez mentionné Dieu à plusieurs reprises. Avez-vous toujours été guidée par la spiritualité ?
J’ai été élevée dans le catholicisme, mais une fois adulte, je me suis éloignée de ma foi. Je me souviens de ce jour quand j’avais 28 ans, je vivais en Allemagne et je revenais d’un séjour au Royaume-Uni où j’étais allée voir celui qui était alors mon petit ami. Il faisait un froid glacial, je marchais dans la rue, les bras chargés de denrées alimentaires, et mon copain me manquait. Parfois, on se sent très seul quand on vit à l’étranger. Je suis passée devant une église et je n’oublierai jamais cette impression quand j’y suis entrée que Dieu m’avait prise dans ses bras. Le fait de me reconnecter avec ma religion m’a énormément aidée à surmonter toutes sortes de difficultés. Les jours où mes chiffres de vente étaient loin des cibles et que mon niveau de stress explosait le plafond, je trouvais du réconfort dans la Bible. Saviez-vous que dans la Bible, l’expression « Ne vous inquiétez pas » figure 365 fois ? Maintenant, je demande à Dieu de me guider à chaque étape importante.
La prochaine question est peut-être difficile, parce que vous êtes en pleine transition, vous venez d’emménager dans une nouvelle ville, vous vous apprêtez à vous marier et à établir votre activité, mais savez-vous où vous aimeriez être dans cinq ou dix ans ? Quel est votre souhait ?
Ce que je désire profondément, c’est pouvoir gagner ma vie en étant en adéquation avec mon for intérieur, utiliser mes talents à des fins plus nobles, servir la communauté, toucher les autres, être indépendante et générer de la richesse intérieure.
Y a-t-il quelque chose que vous attendez de faire cette semaine ?
Ça fait deux mois que je n’ai pas vu mon fiancé, alors j’ai hâte de le retrouver. Je suis également impatiente d’aller courir régulièrement le long de l’esplanade. Quand je cours, je peux laisser les problèmes derrière moi pendant une heure et sentir mon esprit et mon corps s’emplir d’une pleine conscience et d’endorphines. Regarder le soleil se lever en courant est une façon magnifique de montrer sa gratitude pour le don de vie et pour commencer la journée avec une intention !