Elisabeth Gautier

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Elisabeth Gautier
Grande Ecole 2009
Toulouse

Head of Technology, Engineering and Product Decarbonisation Communication – Airbus

Curieuse. C’est le qualificatif qui sied le mieux à Elisabeth Gautier (38 ans). Diplômée en 2009 du programme Grande École (PGE) d’Audencia, la jeune femme a navigué de poste en poste à Airbus avant de trouver celui qui lui correspond vraiment. Un parcours riche qui lui a permis de multiplier les expériences en France et à l’étranger, dans des secteurs aussi divers que la communication, les achats, la finance, etc.

Aujourd’hui « head of technology, engineering and product decarbonisation communication » dans la grande entreprise d’aéronautique, Elisabeth est devenue cadre dirigeante. Un statut qui rime avec grosse charge de travail. Pour autant, la jeune femme tient à préserver sa vie de famille – elle est mère de deux petites filles – et à s’attribuer des moments de relâchement, de la méditation à la randonnée.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire une prépa ?

Ma première envie professionnelle, c’était de devenir architecte. Mais, après avoir effectué un stage en 3ᵉ dans un cabinet d’architecture, j’ai renoncé. J’ai pris conscience que, dans la construction d’un bâtiment, les ingénieurs avaient davantage leur mot à dire que l’architecte. Le métier était moins créatif que ce que j’avais imaginé. Par la suite, j’ai souhaité devenir ingénieur. J’aime comprendre comment les objets qui m’entourent fonctionnent. Je suis quelqu’un de très curieux. J’avais également envie de découvrir le monde. Au final, j’ai opté pour une prépa puis une école de commerce ; cela correspondait à ma soif d’apprendre, à mon souhait d’étudier des matières variées et à mon envie de vivre des expériences à l’international.

Que vous ont apporté les années passées à Audencia ?

Audencia, c’est une école qui apporte de nombreuses opportunités aux étudiants sur le plan académique, associatif et international. J’ai du reste profité à plein de ce potentiel en m’engageant au sein du bureau des sports et de l’association FiNantes (un club d’investissement) et en participant à des missions de la junior entreprise. J’ai également suivi le parcours « Agir pour l’entreprise durable », qui permet, en près de 60 heures, de comprendre les enjeux des changements climatiques et environnementaux pour déployer des actions innovantes à tout niveau de la chaîne de valeur d’une entreprise. J’ai effectué deux échanges internationaux, dont un au Chili alors que je ne parlais pas l’espagnol. Je garde également un excellent souvenir de mes stages. Le premier, je l’ai effectué au Népal, dans le commerce équitable, où je faisais des audits de coopératives de paysans. Ensuite, j’ai fait du marketing dans une entreprise et du consulting à Paris, mais aussi de la finance à New York. Ce fut donc très riche, y compris sur le plan personnel. C’est là que j’ai rencontré mon futur mari et beaucoup de mes amis, que je vois toujours aujourd’hui. Nos années d’études nous ont permis de nouer un lien très fort, car nous avons vécu de nombreux moments intenses tous ensemble, notamment dans le cadre de la vie associative. Cela nous a beaucoup rapprochés.

Dans le cadre de vos études, vous optez pour un master en « International strategic management and consulting ». Pourquoi ce choix ?

Après le PGE, je ne savais toujours pas ce que je voulais faire. Ce qui explique la diversité de mes stages ; je teste pour voir si j’ai un déclic. Il y a quand même des dominantes : mon goût pour l’international et pour des fonctions variées qui me permettent d’apprendre en continu.  Le master, c’était un moyen de valoriser les secteurs que j’avais investis au préalable : le marketing, la finance, etc. Tout se retrouvait dans le consulting, que j’avais expérimenté avec plaisir dans le cadre des juniors entreprises. Après le master, j’ai effectué un stage dans ce domaine au sein d’une start-up de « knowledge management ». Était-ce ma voie ? Je n’en étais pas certaine, mais j’avais envie de me laisser guider. Une expérience qui ne m’a finalement pas particulièrement intéressé. Mes missions se résumaient principalement à des présentations PowerPoint, le tout avec une énorme charge de travail et dans une mauvaise ambiance.

J’ai donc décidé de tenter une autre aventure, celle d’acheteuse dans une centrale d’achats pour les magasins But et Conforama, implantée dans les Dom-Tom. Ce CDI particulièrement varié m’a conduite, outre la partie « achats », à faire du marketing et du management, ce qui m’a beaucoup apporté. Sur ces aspects-là du job, je ne me sentais pas vraiment légitime, mais comme dit l’adage, « fake it until you make it » (fais semblant jusqu’à ce que ça marche). Et ça a marché ! J’ai beaucoup appris, pris du plaisir, mais, suite au peu de perspectives d’évolution, j’ai préféré quitter mes fonctions. En parallèle, j’ai été admise à un graduate program chez Airbus.

En quoi consiste ce graduate program ?

C’est une promotion de 60 à 70 personnes, recrutées aux quatre coins du monde selon un certain nombre de prérequis : avoir exercé des fonctions à l’étranger durant au moins deux ans et avoir moins de cinq ans d’expérience professionnelle. Pour ma part, ce qui m’attirait est l’entreprise elle-même ; Airbus est le symbole de la coopération franco-allemande – j’ai étudié l’allemand – et c’est, de fait, une société tournée vers l’international. Le programme dure cinq ans, au cours desquels on doit changer au moins trois fois de fonction, de division (aviation, hélicoptère, spatial et militaire) et de pays. La partie « formation » en management (construire une équipe, savoir donner un feedback, apprendre à négocier, à avoir une discussion difficile, appréhender les différences interculturelles…) est également conséquente. Ayant bénéficié d’un excellent enseignement à Audencia, ce n’était pas l’aspect le plus intéressant du programme pour moi. Je me suis donc concentrée sur la partie technique (l’aviation). C’est à nous de construire notre parcours – on signe un CDI dès le début – et de trouver les postes qui nous intéressent, en respectant la règle édictée au départ de roulement entre les fonctions, les divisions et les pays.

Quels furent les premiers postes que vous avez occupés ?

Le premier poste était basé à Toulouse, division aviation. J’étais en charge de piloter un projet pour encourager des étudiants d’écoles d’ingénieurs, de design, etc. du monde entier à trouver des idées nouvelles pour rendre l’industrie aéronautique plus durable. Durant un an, les équipes sont mises en compétition et au bout du processus, lors d’une finale qui a lieu au salon du Bourget, un vainqueur est désigné. C’est un projet doté d’un budget d’un million d’euros. Cela m’a permis de travailler étroitement avec les équipes « innovation » d’Airbus. Nous sommes alors en 2010-2011. Je suis restée un an à ce poste, le temps de boucler le concours. Ensuite, je suis partie en Chine puis en Inde pour deux stages ouvriers, qui font également partie du programme. Dans le cadre du premier, j’ai travaillé durant deux semaines sur une chaine d’assemblage d’avions dans une usine à Tianjin. J’ai mis beaucoup de vis pendant ces quinze jours, mais j’ai aussi fait des réajustements de peinture, assemblé des systèmes dans le cockpit, mené des inspections après la fin des travaux, etc. Pour le second stage ouvrier, j’étais basée dans un petit village près de Mysore où j’ai participé à l’installation d’unités de bio-gaz dans le cadre de la fondation Airbus.

Après ces premières expériences, comment s’est poursuivi le programme ?

Par la suite, j’ai rejoint le département « environnement » du Groupe (qui avait pour nom EADS à l’époque). Le poste était à Toulouse. J’étais alors chargée de mettre en place une stratégie de communication sur la thématique de l’environnement pour l’ensemble du Groupe, ce qui consistait à fédérer les collaborateurs autour de cet enjeu, à les former à cette problématique, à exercer du lobbying pour faire évoluer des réglementations, à participer à la rédaction des rapports sur le développement durable, etc. À ce moment-là, je n’ai toujours pas d’idées précises sur mon avenir professionnel. Je sais juste que je suis attirée par la thématique du développement durable, car dans une industrie qui pollue, les actions dans ce domaine ont un vrai impact. Et c’est aussi une valeur que je porte en moi depuis mon plus jeune âge. Elle m’a notamment été transmise par mon père, ingénieur en énergie, qui a eu très tôt une fibre environnementale.

Bref, j’adore ce que je fais à EADS… Mais je dois aussi respecter la règle du programme et, en 2014, je suis partie en Allemagne exercer une fonction dans un service « achats » ; je m’occupais des compartiments, des cabines où dorment les équipages, des escaliers de l’A380, etc. Mon rôle : acheter les produits, négocier des contrats avec les fournisseurs, faire respecter les plannings, etc. C’était très opérationnel et intéressant car j’ai pu voir de l’intérieur comment fonctionne une usine. Mais ça m’a moins plu que les postes précédents, car je ne faisais qu’appliquer des règles déjà établies dans un contrat-cadre. Cet aspect très structuré, voire rigide, ne correspondait pas à ma soif d’apprendre et à mon envie d’exercer des fonctions plus créatives. Au bout d’un an, mon ancien mentor (qui est à la fois un parrain et un guide) du Graduate program me propose un poste à Paris, au sein du Groupe, dans le service « relations investisseurs ». Il me dit que cela me correspondra et je le crois. De fait, ce qui m’attire, c’est la vision globale que me confère la fonction. Et puis, le poste est à Paris où mon copain, rencontré lors de ma première année à Audencia, est basé. Je travaille alors sur la stratégie du Groupe ; ce faisant, je découvre comment une entreprise de la taille d’Airbus est financée, le rôle des investisseurs étatiques (au nombre de quatre : France, Allemagne, Royaume-Uni et Espagne) et des investisseurs privés.

Au bout d’un an, il y a un plan social à Airbus, le poste est relocalisé à Toulouse. Je fais des allers-retours durant plusieurs mois. Mais, lorsqu’un emploi se libère au sein du service « communication internationale », à Paris, je prends la décision, pour des raisons personnelles, de retourner y vivre. Nous sommes alors en 2016.

Vous réintégrez donc un poste en communication.

Oui, mais s’y ajoute un aspect marketing, car mon rôle est de soutenir les ventes et de mettre en valeur nos produits – pour l’aviation, le militaire, les hélicoptères et dans une moindre mesure, le spatial – avec des outils de communication, tels que du sponsoring, de l’évènementiel, des campagnes de publicité, etc. C’est un poste qui me fait beaucoup voyager. Chaque année, je fais le tour du monde plusieurs fois pour soutenir les campagnes de vente dans différents pays, chacun disposant de ses propres produits qui font l’objet d’un dispositif de communication spécifique. Je reste à ce poste jusqu’à ce qu’un nouveau plan social entraîne la fermeture d’Airbus à Paris. Je suis alors mariée et enceinte de notre première fille. Je me pose la question de quitter Airbus, mais je ne trouve aucun poste qui m’intéresse. L’aspect international notamment manque à l’appel. Alors qu’à Airbus, je peux parler quatre langues (outre le français et l’anglais, qui sont mes deux langues maternelles, je parle l’allemand et l’espagnol) dans la même journée, à des collègues ou à des clients.

Au final, vous choisissez de rester chez Airbus ?

Il se trouve que la direction de la communication d’Airbus me propose alors de reprendre la communication de la technologie et de la décarbonation… mais le poste est à Toulouse. Après une discussion avec mon mari, qui est à l’époque directeur financier d’une filiale de Bouygues Télécom, nous décidons de nous installer dans la ville rose avec notre première fille. Il démissionne de son poste et je prends mes fonctions en 2018. Je dirige alors une équipe de trois personnes et je coordonne le travail d’une dizaine d’autres. Avec cet emploi, je reviens à mes premières fonctions au sein d’Airbus : la décarbonation, l’innovation, la technologie… Et là, c’est une évidence, le poste de mes rêves. Comme si tous les morceaux du puzzle, les fonctions que j’ai précédemment occupées qui m’ont permis de comprendre le fonctionnement d’une usine, le financement de l’entreprise, etc., s’assemblaient.

En quoi consiste votre travail exactement ?

Depuis que j’ai pris mes fonctions, le poste a évolué. Se sont ajoutées à mes attributions l’ingénierie et, depuis peu, la digitalisation d’Airbus et le développement durable. Je travaille en direct avec une équipe de 15 personnes. Nous sommes un peu des chefs d’orchestre de la communication, on en définit la stratégie, qui sera appliquée par les différents départements. On a en charge la communication interne, auprès des 134 000 salariés, et la communication externe avec pour objectif, entre autres, d’attirer au sein du Groupe de nouveaux talents. On a également pour mission d’influencer les organismes de financement pour qu’ils soutiennent nos technologies basées sur l’hydrogène et nous aident, ainsi, à décarboner nos pratiques. Il faut agir sur tout un écosystème : si nous n’avons pas assez d’hydrogène à disposition ou des aéroports dans l’incapacité d’accueillir des avions fonctionnant avec cette énergie, nous n’avancerons pas. Notre rôle est d’engager toutes les parties prenantes ; c’est aussi de faire du lobbying par rapport aux réglementations en vigueur pour inclure davantage les avions à hydrogène, par exemple. Nous travaillons également sur des taxis volants pour établir de nouvelles réglementations : comment ils vont pouvoir voler, comment ils seront contrôlés, etc. Nous sommes en direct avec les fournisseurs : la communication est un moyen de négocier pour bénéficier de technologies innovantes à moindre coût. Mais le plus fort enjeu, pour nous, c’est le grand public. On doit dédiaboliser l’aviation qui, aujourd’hui, sert un peu de bouc émissaire par rapport à l’environnement. Le secteur représente environ 2 % des émissions de CO2 dans le monde. Un pourcentage qui a baissé de 90 % en soixante ans. Et si, dans certains cas, le train est une option plus intéressante – quand on voyage en France notamment – l’avion reste un moyen de transport indispensable au fonctionnement du monde. Ça connecte les gens entre eux.

Qu’appréciez-vous dans les voyages ?

Tout d’abord, ma mère est anglaise et mon père français. Baigner dans cette double culture dès la naissance favorise l’ouverture d’esprit. Ensuite, j’aime, durant mes voyages, confronter mes valeurs, ce que je suis, à d’autres cultures et découvrir comment les personnes étrangères pensent et fonctionnent. Le voyage permet de se remettre en question, de mieux se comprendre et de mieux se connaître. Je fais également beaucoup de randonnée. Ce sont des moments où on est seule avec soi-même, où on se retrouve, où on est en phase avec la nature, car c’est à nous de nous adapter. Il y a aussi un aspect contemplatif : on sent le soleil sur sa peau, le vent, etc. C’est agréable d’être totalement dans l’instant présent. À la montagne, on se sent tout petit, on appartient à quelque chose de plus grand que soi. Quand on travaille beaucoup, ça remet les idées en place. Et puis la beauté des paysages m’apporte un réel apaisement.

Comment faites-vous pour relâcher la pression ?

Je fais de la méditation. Occuper un poste à responsabilité demande beaucoup d’énergie. Cela m’aide à la restaurer, à me recentrer sur moi-même, à maîtriser mes émotions. Avant un grand évènement ou quand il faut gérer une situation de crise, je fais des exercices de respiration, de la sophrologie… Cela permet de me recharger, comme la marche. Je fais également beaucoup de sport dans ma vie quotidienne, je me déplace essentiellement à vélo. La vie de famille est également un excellent moyen de se ressourcer.

Vous êtes maman de deux petites filles. Quelles valeurs avez-vous envie de leur transmettre ?

La curiosité et l’envie d’apprendre. Il est important de rester ouvert au monde et aux autres dans toute leur diversité, sans être dans le jugement. La bienveillance est une valeur fondamentale à mes yeux. J’ai été bénévole dans une association qui aide les réfugiés à s’intégrer (j’en ai pris quelques-uns en stage à Airbus par exemple). Un jour, j’y suis allée avec l’une de mes filles pour qu’elle voie d’autres gens que sa famille et notre cercle d’amis. C’est important de ne pas avoir peur de parler à des gens différents, de les accueillir sans a priori.

Qu’est-ce que vous retenez de ce parcours ?

Ce qui est très important, c’est de se connaître, d’identifier par exemple ce qui nous permet de garder notre énergie ou de la récupérer. À Audencia, on avait accès à des tests de personnalité qui permettaient de pointer ce qu’on aimait faire ou ne pas faire, l’environnement de travail qui nous correspondait le mieux, mais aussi les différentes facettes de notre personnalité… Ça m’a été très utile. Après, il faut savoir tirer profit de chacune de ses expériences et donner le meilleur de soi-même, car ce qu’on y apprendra sera utile pour la suite. Faire des choses qu’on aime et les faire bien permet par ailleurs de progresser et de continuer à grandir. Plus on évolue dans sa carrière, plus on façonne la marque qu’on veut laisser dans l’entreprise.

Qu’est-ce qui vous rend le plus fière aujourd’hui ?

Ce qui me rend le plus fière, c’est ce qu’on a accompli ces dernières années avec l’équipe. On a réussi à influencer le secteur aérien sur la décarbonation ; nous sommes des pionniers dans ce domaine et nos pratiques sont dupliquées par d’autres acteurs. Ce n’est que le début… Mais on a fait avancer les choses. Je pourrais rester à Airbus toute ma vie et changer de division de temps à autre. Mais, comme je l’ai toujours fait, je reste ouverte à d’autres opportunités tant que je pourrais y trouver du sens et continuer à progresser.

Qu’auriez-vous envie de dire à la petite fille que vous étiez ?

Je lui dirais de profiter de chaque instant, de ne pas chercher à grandir trop vite ou à imiter son entourage. Petite, je me racontais beaucoup d’histoires, j’avais des amis imaginaires… J’ai deux grandes sœurs et j’avais envie d’être aussi grande qu’elles, quitte à abandonner des activités que j’aimais et dont elles se moquaient. Alors, aujourd’hui je dirais à la petite fille que j’étais : rêve, ce n’est pas grave !

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