Cyrille Glumineau

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Cyrille Glumineau
Bachelor In Management 1992
Paris

General Manager for Sales Central & Southern Europe de Reality Labs – Meta

Diplômé de l’EGC Saint-Nazaire, aujourd’hui Bachelor in Management d’Audencia, Cyrille Glumineau (Bachelor in Management 92), 53 ans, est General Manager Sales Central & Southern Europe de Reality Labs, l’unité commerciale et de recherche de Meta, ex-Facebook, qui produit équipements et solutions de réalité virtuelle et augmentée.

Successivement Sales Representative, Responsable Comptes-clés et Manager Espagne chez Energizer, General Manager Iberica puis France chez BaByliss, et Head of Southern Europe chez Neato Robotics, le parcours de Cyrille Glumineau démontre que la fonction commerciale reste une magnifique opportunité pour s’épanouir en entreprise et atteindre les plus belles fonctions dirigeantes.

Certains dirigeants empreinte la voie royale vers les sommets…

Je n’ai pas pris cette voie-là. Je suis passé par les petites portes, me faufilant à coup d’instinct, d’audace, de boulot et d’engagement.

Racontez-nous.

Je viens d’une famille vendéenne assez modeste, où l’on ne me destinait pas à de longues études, autant par manque de moyens que par culture du concret. Chez moi, on choisissait un métier, plutôt que des études.

Mais, je n’avais pas d’idée de carrière. En revanche, je savais qu’une bonne école pouvait être un tremplin professionnel : c’est ce qui m’a fait opter pour l’EGC Saint-Nazaire et son Bachelor accessible directement après le bac. C’était proche de ma famille et l’école faisait partie du Réseau des Chambres de Commerce ce qui était, dans ce monde pré-internet, un gage de qualité et de sérieux à mes yeux. Je n’ai pas été déçu : la formation s’est révélée excellente.

J’ai fait tous mes stages à l’étranger, y compris ensuite, quand je suis parti à Roubaix compléter mon cursus dans une autre école du Réseau CCI – où j’ai d’ailleurs rencontré mon épouse.

Cette idée d’un parcours international était-elle déjà présente dans votre jeunesse ?

Oui, et non ! L’appel de l’international était puissant, peut-être parce que, petit, je ne voyageais pas du tout. Avant d’intégrer Audencia, j’avais vécu dans un rayon de dix kilomètres autour de chez mes parents. Je devais avoir 18 ans quand je suis allé pour la première fois à Paris, et 20 ans quand j’ai pris l’avion pour la première fois. Donc, là non plus, je n’avais pas beaucoup de prédispositions au voyage.

Mais tout à coup, pendant mes études à Roubaix que j’avais choisies justement pour leur dimension internationale, mes perspectives ont commencé à s’élargir et de nouvelles opportunités à se présenter.

Après mon stage de fin d’études, j’ai reçu une proposition d’embauche dans une petite entreprise d’accessoires de vélo, au fin fond du Texas. Cela ne correspondait pas réellement à mes attentes professionnelles de l’époque : une entreprise de biens de grande consommation, si possible une belle marque, reconnue sur son marché. Les accessoires de vélo, on n’y était pas mais j’avais une énorme fascination pour les US.

Pourquoi cette fascination pour les États-Unis ?

La culture, le mode de vie avec les autoroutes, les centres commerciaux, tout ce côté grande consommation. C’est très cliché aujourd’hui de dire cela, ça fait même un peu peur mais à l’époque, on ne voyait le monde qu’à travers la télévision et le cinéma. Alors, oui, j’aurais aimé grandir dans les États-Unis des années 1960-70.

Il y a dans ce pays un côté « tout est possible » qui m’impressionne et m’inspire à la fois. Et côté business, ils ont réussi tellement de choses : ils ont pris tous les virages et les ont même devancés. C’est encore plus vrai avec l’émergence des géants de la Tech.

D’ailleurs, c’est étonnant : je n’ai finalement jamais vécu aux États-Unis, en dehors de ces stages, mais je m’aperçois que j’ai fait toute ma carrière dans des entreprises américaines, jusqu’à rejoindre l’un de ces géants de la Tech.

En effet, ce ne sera pas le Texas mais Energizer à Lille puis à Paris. Comment ça s’est fait ?

Malheureusement, le Texas est tombé à l’eau. J’ai attendu mon visa pendant neuf mois. Je me suis même marié avec ma compagne pour essayer d’accélérer les choses mais ça n’a pas suffi. Nous avons fini par nous mettre tous les deux en recherche d’un job en France, un job plus conforme à mes attentes professionnelles et à mon appétence pour les produits de grande consommation.

C’est comme ça que j’ai été recruté chez Energizer, comme commercial itinérant dans le Nord puis comme Key Account Manager à Paris. Pour la petite histoire, mon visa pour les États-Unis est finalement arrivé, mais c’était trop tard : je me sentais bien dans cette nouvelle histoire avec Energizer et je n’avais pas envie de tout remettre en jeu.

La filière commerciale n’est pourtant pas la plus valorisée

A tort, à mon avis !

Les fonctions Sales et Finance sont celles qui permettent de gravir tous les échelons en entreprise mais, avec mon parcours étudiant, j’avais bien plus d’opportunités en commerce qu’en finance.

Les dix premières années d’une carrière sont déterminantes : c’est pour cela qu’il faut faire les bons choix, un poste qui offre de belles perspectives d’évolution et une entreprise qui accompagne cette progression. Energizer était sans doute moins « waouh » que les P&G, Kraft et consorts mais elle en avait adopté les codes : un fonctionnement très structuré et un investissement important sur ses jeunes potentiels.

Nous étions ainsi une dizaine, identifiés et formés pour être la nouvelle génération de commerciaux. Cet accompagnement a été une véritable chance, d’autant plus qu’il se faisait au contact d’une équipe managériale inspirante, qui donnait envie de se dépasser et d’aller plus loin. C’est ce qui m’a permis de progresser rapidement, en devenant Responsable comptes-clés nationaux puis internationaux. Et qu’on me propose le marché espagnol ! Là, c’est le début d’une nouvelle vie.

Vous n’avez pas hésité ?

Pas une seconde. Nous avons tout vendu et, en quelques jours, nous étions partis vers un pays que nous ne connaissions pas et dont nous ne parlions pas vraiment la langue. Mais cette envie d’international était toujours là, donc l’opportunité était immanquable.

Professionnellement, je ressentais l’incroyable confiance qu’on me témoignait en me proposant ce poste : c’était le signe qu’on croyait en moi et c’était très valorisant.

D’un point de vue plus personnel, j’ai eu le sentiment que ma vraie vie commençait quand je suis arrivé en Espagne. Tout de suite, nous avons eu cet effet good vibes dont témoignent beaucoup d’étrangers vivant à Madrid : la météo, la culture, la facilité à se connecter avec les gens. Nous nous sommes fait des amis très rapidement et je ne me souviens pas de difficultés d’intégration.

À quoi ont ressemblé vos débuts professionnels à Madrid ?

À une feuille blanche ! Je devais tout apprendre, en particulier le management. L’équipe était petite et nous avons grandi pas à pas. J’étais très bien accompagné par mes managers et j’ai ce côté studieux et bon élève. Je travaille pour réussir et obtenir des résultats, mais aussi pour prouver à mes patrons qu’ils ont raison de me faire confiance. Je crois que ça vient de mon éducation, ce besoin d’être digne de la confiance qu’on me témoigne.

Ces premières années à Madrid, je me suis donné à fond et j’ai adoré ce que je faisais. Mais j’ai aussi ce tempérament de challenger : j’ai besoin de mouvement, de nouveauté, de faire naître et grandir des projets aussi. C’est ce qui m’a intéressé dans la proposition de BaByliss qui m’a chassé pour monter une filiale en Espagne et au Portugal. En partant de zéro et avec une marque inconnue sur la péninsule ibérique. A nouveau, c’était la feuille blanche et la construction brique par brique. J’ai démarré seul dans un tout petit bureau, et puis nous avons grandi. Nous avons déménagé trois fois et, en cinq ans, nous étions n°1 sur le marché.

Vous disiez que vous ne quitteriez jamais l’Espagne et pourtant, vous êtes aujourd’hui à Paris. Comment cela s’est passé ?

Effectivement, nous étions partis avec un enfant et un bébé et nous avons eu notre troisième à Madrid. Au bout de dix ans, nous n’étions plus des expatriés mais des Français installés, de ceux qui restent pour toujours.

Mais je commençais à nouveau à ressentir la routine dans mon job, le sentiment de revivre tous les jours la même chose. Or, en 2013, dans une Espagne très durement touchée par la crise des subprimes, changer de job et d’entreprise était quasiment mission impossible.

Alors, quand Conair, la maison mère de Babyliss m’a proposé un job à Paris, c’était difficile de refuser. Même si j’y ai beaucoup réfléchi ! Le business en France était énorme : c’était le plus gros pays, avec le plus de collaborateurs. C’était le choix de la raison. Et nous sommes donc rentrés en France même si, honnêtement, nous avions plus le sentiment d’arriver que de revenir.

C’est si différent, l’Espagne et la France ?

Les cultures sont assez proches mais la vie est plus simple et cool en Espagne. On le ressent à de petites choses, le vouvoiement, le Monsieur-Madame de rigueur dans les écoles françaises pour les enfants, ou les codes relationnels un peu différents pour moi dans l’entreprise. Mais on s’y est fait et nous sommes tous très heureux aujourd’hui dans notre vie parisienne.

Deux expériences décennales chez Energizer et Conair, puis tout à coup, une accélération, comment l’expliquez-vous ?

Par un coup de cœur et un coup de chance. Un coup de cœur professionnel, d’abord, pour Neato Robotics, une petite boîte américaine fabriquant des systèmes intelligents pour aspirateurs, aujourd’hui appartenant au groupe Vorwerk. Je les rencontre quand, à nouveau, le besoin de changement se ressent dans mon parcours et, tout de suite, je suis séduit par le management, les équipes et l’entreprise. Ce sont des gens brillants avec lesquels j’ai vécu une expérience extrêmement enrichissante car, avec Neato Robotics, je commence à entrer dans ce monde de l’innovation et de l’intelligence collective. J’aurais pu rester dix ans, là encore, si je n’avais pas été appelé par Facebook.

Comment passe-t-on des biens de grande consommation, piles, aspirateurs, sèche-cheveux, à un géant du digital ?

J’avoue que j’ai d’abord cru à une erreur car je ne connaissais ni le digital, ni les services. Je ne suis pas un digital native – et de loin ! Ça fait un peu vieux de dire ça, mais je me souviens parfaitement du premier email que j’ai envoyé depuis mon bureau à ma femme : c’était en 1995. Et deux ans plus tard, le premier appel passé depuis le téléphone de ma voiture ! En tant que consommateur, j’étais fasciné. Mais je ne me voyais pas comme un acteur de cette révolution digitale.

En réalité, je fais aujourd’hui, chez Quest, ce que j’ai toujours fait : mettre un produit sur le marché, travailler son merchandising et son positionnement en magasin, et faire connaître et apprécier une marque. Nous distribuons des casques de réalité virtuelle, un produit qui a vocation à devenir un bien de grande consommation dans le monde de demain.

D’ailleurs, c’est assez drôle de penser que les géants de la Tech, Google, Amazon, Meta, etc., ont tous élargi leur business model qui était exclusivement centré services au départ, pour se mettre à créer aussi des produits, ces fameux devices connectés et intelligents dont on parle beaucoup aujourd’hui.

On est à l’aube d’une nouvelle révolution digitale, selon vous ?

Certainement ! La troisième ou la quatrième, je ne sais plus trop. On est passé de la révolution des ordinateurs à celle de la téléphonie et aujourd’hui, on va vers le métaverse. Quand Facebook est devenu Meta, annonçant la prochaine computing plateform, le grand public n’a pas réellement compris ce qui se passait, ni adhéré. Mais c’est OK parce que finalement, toutes les révolutions ont démarré par un flot de critiques : les gens voient les inconvénients avant les avantages. C’était déjà comme ça avec le train !

Mais la réalité, c’est qu’on est en train de créer une troisième dimension de communication et d’interaction qui mêle le physique et le digital, avec des potentiels applicatifs absolument colossaux. En formation, par exemple, ça va être incroyable, cette capacité à augmenter les accès de tous, à rapprocher le monde, à connecter les gens entre eux…

En quoi Meta est-elle une entreprise différente des autres ?

En rejoignant Meta, j’ai ajouté une dimension d’inspiration et d’apprentissage permanent, qui révolutionne mon approche du métier et du monde du travail.

Ces entreprises qui réinventent les business modèles et transforment notre façon de vivre, de communiquer et de travailler, sont fascinantes. Qu’on soit d’accord ou pas avec ce modèle, d’ailleurs !

En interne, l’entreprise est ultra-transparente, avec une direction, y compris Mark Zuckerberg, qui échange beaucoup avec les collaborateurs. Ceux-ci reçoivent une attention toute particulière : des bureaux absolument dingues, un vrai souci du bien-être et des possibilités d’évolution de carrière comme je n’en ai connu nulle part ailleurs.

Est-ce que Meta et les GAFA sont les nouveaux eldorados pour les étudiants ?

Si je compare avec mon époque, quand on rêvait de boîtes comme Procter, les GAFA sont dans une autre dimension : elles se réinventent en permanence et leur capacité financière colossale leur permet de prendre de très gros risques, donc d’innover et de proposer des opportunités d’évolution comme aucune autre.

Avec le succès qui est le leur, une croissance et un business très sain, ces boîtes-là pourraient se reposer sur leurs lauriers mais ce n’est pas le cas : elles continuent d’investir des millions dans des projets à long-terme, comme le metaverse. Elles ont une vision et une véritable capacité à investir dans le temps.

Et puis ce sont des entreprises qui réécrivent les codes en permanence, que ce soit le code vestimentaire, les modes de fonctionnement ou l’environnement de travail. Ce sont de véritables aspirateurs de talents, par leur capacité financière bien sûr mais aussi parce qu’elles ont une proposition de valeur très élevée. Et plus le temps passe, plus elles agrègent des pépites donc ça permet à tout le monde de progresser et de se développer, même quand on a 53 ans comme moi.

Justement, fort de votre expérience, quels conseils donneriez-vous aux étudiants d’aujourd’hui ?

Ceux que je donne aussi à ma fille, qui lance sa carrière : ne rien tenir pour acquis, surtout pas le destin, et travailler.

De manière pratique, commencez dans une grande entreprise qui vous permettra d’apprendre et de vous structurer grâce à ses méthodes, ses process et un management inspirant. Avoir un boss qui sera votre mentor et votre rampe de lancement est un formidable atout dans une carrière. Alors, effectuez des recherches sur la culture de l’entreprise et ses modes de management avant de signer.

Ensuite, donnez-vous le temps : évitez de changer d’entreprise tous les deux ans pour avoir le temps de vous installer, de bosser, de prouver à la boîte qu’elle a fait le bon choix.

Il ne faut pas tout attendre de l’entreprise, ni des autres mais mériter ce que l’on obtient, aller le chercher en prouvant sa valeur et son engagement. Je crois qu’on est toujours responsable de ce que l’on obtient, dans le monde professionnel.

Et à vous, qu’est-ce que l’on vous souhaite ?

De continuer à m’émerveiller, prendre du plaisir là où je suis et dans ce que je fais. De continuer d’apprendre, surtout ! Je veux simplement continuer d’aller au bureau motivé et ébahi par ce que je vois et par l’environnement dans lequel j’évolue.

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